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Rencontre avec Pierre de Maere: «Je suis un exhibitionniste des sentiments!»

Il chante qu’un jour il mariera un ange. Mais lui-même est un peu devenu le petit ange de la scène belge. Nommé deux fois aux prochaines Victoires de la musique alors qu’il publie son premier album, le jeune Brabançon Pierre de Maere nous raconte, bien loin du cliché de l’arrogance, ses ambitions, sa peur de l’Amour et ce combat qui n’est pas forcément le sien...

Ce n’est pas anodin si votre premier album s’intitule «Regarde-moi»… Vous vous souvenez de la première fois où vous avez eu envie de lancer aux gens qui vous entourent «Regardez-moi!»?

En fait, j’ai été regardé très vite. J’ai eu la chance d’être vu et reconnu par mes parents dès ma naissance, ils sont aimants et m’ont toujours témoigné beaucoup d’affection. J’ai pris ma place facilement dans ma famille, j’ai des amis… En fait, je n’ai pas souffert, je n’ai rien à combler. Pour autant, je n’explique pas ce besoin d’être au moins reconnu pour ce que je fais. J’en ai besoin, je dois l’assumer. Par contre, le «Regarde-moi» de cet album n’est pas égocentré, il est davantage romantique. Ce n’est pas «Regarde-moi, je suis beau», c’est «Trouve la beauté qui est en moi». C’est une sorte d’appel désespéré de l’artiste qui n’attend qu’une chose: être validé et séduire le public. Et cette phrase est aussi une référence à Lady Gaga qui, quand elle se produisait dans des bars jazz à New York, était assez sobre, et personne ne la regardait. Un jour, elle s’est mise toute nue et là, on l’a vue. Je trouve ça très intéressant psychologiquement. Même si ça ne me ressemble pas parce que je ne suis pas passé par les mêmes galères.

Justement, jusqu’où iriez-vous pour qu’on vous regarde?

Je suis très pudique donc je ne me mettrais pas nu. Personne ne verra mon sexe avant longtemps! Hors intimité bien sûr! (rires) J’ai une certaine dignité et je n’ai pas envie de rompre avec des pseudo-principes pour une quête de célébrité. Mais je suis prêt à beaucoup de choses… Mais pas à faire un shooting photos affreux ou un featuring avec un artiste que je déteste, même s’il est super connu! Je pense que les gens ne se reconnaissent que dans les artistes qui sont eux-mêmes, uniques, et qui apportent un souffle nouveau.

Cette quête de célébrité, que vous revendiquez depuis votre premier single, est quand même à prendre un peu au second degré?

En fait, je pense que l’accroche «Rendez-moi célèbre» a été irritante pour beaucoup de gens et, en même temps, elle a fait son job, elle a accroché et permis à mes propos et à mon morceau («Un jour, je marierai un ange») d’exister médiatiquement. Maintenant, quand on parle de célébrité, ce qui m’intéresse au-delà du bling-bling, ce n’est pas d’être connu mais de faire des chansons populaires qui parlent à beaucoup de gens. En Belgique et en France, les chansons populaires ont une connotation un peu négative. Moi, je ne le vois pas comme ça, j’ai plus un regard anglo-saxon où les artistes mettent bien souvent d’accord les puristes et le grand public. Ce n’est pas facile, mais c’est ma mission.

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Xavier Janssens

Cet album, vous l’avez réalisé avec votre frère. Vous y racontez des choses intimes, un peu sombres aussi. Ça ne vous mettait pas mal à l’aise de vous dévoiler comme ça à côté de lui?

En fait, il me connaît trop bien, peut-être mieux que moi-même! Cette mise à nu n’était pas flippante parce qu’il me voit à nu depuis 10 ans. Par contre, j’ai réfléchi quand même par rapport à mes parents, mes grands-parents. Je me demandais s’ils allaient comprendre, ce qu’ils penseraient de mes paroles. C’est vrai que je suis un exhibitionniste des sentiments, l’album est donc passionnel mais je romance aussi. Mes textes sont dramatiques, et ça rend l’album théâtral.

Mais êtes-vous dramatique dans la vie?

Non, pas tant que ça. Mes équipes te diront que oui parce que quand je sors de scène je dis «c’était affreux etc…». Mais dans la vie, je suis nuancé. 

On a le sentiment, quand on écoute vos paroles, que vous avez peur de l’Amour…

Complètement. J’en ai peur pour l’investissement que ça demande et pour l’intimité dans laquelle on rentre. J’ai beaucoup de pudeur par rapport à mon intimité physique. C’est dur à dire parce que les sentiments, je les mets assez rapidement à plat, je n’ai pas de mal à en parler. Mais au-delà de l’Amour, ce sont les ébats qui me font peur. Je crains un peu les trahisons et tout ce qui va avec. Il y a un truc presque malsain par rapport à tout ça et parfois je me fais des films.

Pourtant, comme vous le chantez dans «Enfant de» vous avez comme modèle le couple que forment vos parents, qui sont amoureux comme au premier jour…

Absolument. Et je n’ai pas non plus vécu d’histoires traumatisantes. Je pense en réalité que les relations gays sont peut-être quelques fois plus cruelles que les relations hétéros. Je ne sais pas si c’est un gros cliché que j’envoie. Mais en fait, les hommes sont des animaux –plus que les femmes– et réfléchissent plus avec le bas qu’avec le haut. Et deux hommes ensemble, forcément, c’est plus dur d’avoir une relation équilibrée et stable. Je ne veux pas dire que les relations gays sont rarement stables, mais on est festif dans la façon de consommer! (sourire) Il n’y a pas trop de prises de tête. Et moi, j’aime bien me dire que dans 3-4 ans je me poserai.

Vous avez envie de grandir, de mûrir vite?

Je n’ai pas envie de relation libre en tout cas. Je n’ai pas envie de me dire que je vais enchaîner les conquêtes pendant cinq ans. Ça ne m’amuse pas, ça me fait plus penser à la solitude qu’autre chose. Si je veux vivre une histoire d’amour, j’ai envie qu’elle soit très, très belle et idéale. Et c’est un peu le piège, parce que ça n’existe pas au-delà des six premiers mois. À côté de ça, j’ai une peur bleue de grandir et de devenir «adulte». Il y a un peu ce syndrome de Peter Pan chez moi. J’ai deux facettes en moi: dans ma tête, j’ai toujours été vieux, mais j’ai aussi toujours eu peur de vieillir physiquement et dans ce que je raconte. J’ai envie de garder cet enthousiasme. Est-ce qu’on se blase en vieillissant? Je n’en sais rien, ma grand-mère est la personne la moins blasée du monde. Souvent d’ailleurs, je trouve les jeunes plus blasés que les adultes.

Vous avez été qualifié d’«artiste queer». Est-ce que ça vous va et qu’est-ce que cela signifie?

Je trouve ça un peu réducteur. «Queer», c’est juste qui n’appartient pas à la «norme» en termes de sexualité, je suppose. Sur le côté «différent», je n’ai aucun problème avec ça mais il peut y avoir une connotation un peu «freak» qui peut faire peur à certaines personnes. Moi, je préfère faire les choses avec beaucoup plus de subtilité. L’homosexualité, je n’en ai jamais souffert, je n’en fais pas un combat. Ce n’est pas du tout la priorité de mon discours. Par contre, j’aime bien l’idée de me dire que je normalise totalement la chose en utilisant le pronom «il» quand je parle d’une relation amoureuse, même si je cherche une fille dans «Enfant de». Ou bien en parler tranquillement en interview, c’est beaucoup plus inconscient et subtil comme propagande. (sourire) Je trouve illégitime de mener un combat dont je n’ai pas été victime.

Y a-t-il une grande différence entre le Pierre de Maere qui fait le show et le Pierre de Maere de tous les jours?

C’est très similaire. Si j’ai gardé mon nom, ce n’est pas anodin. J’ai eu pas mal d’échos qui disent que je donne une impression d’arrogance quand je suis en télé. Mais je ne pense pas l’être dans la réalité. Ça, ça diffère, mais je ne le fais pas exprès! (sourire) C’est peut-être parce qu’en télé je ne porte pas mes lunettes et je n’y vois rien du tout, donc je joue des yeux et on peut croire que je les lève au ciel! Et en termes de costumes, c’est moi, même si je ne les porte évidemment pas dans la vie de tous les jours. Je ne suis pas fan de mon corps –mon visage ça va, je suis ravi (sourire)– , je me trouve filiforme, pas glamour et le jour où j’ai pour la première fois enfilé un costume bien taillé, je me suis senti beaucoup plus fort. Et c’est alors que j’ai décidé de chanter comme ça. J’ai l’impression de chanter mieux en costume, même si je ne suis pas un grand vocaliste! Le costume, c’est une forme d’armure, de cape de super-héros qui me donne une confiance folle et crée ma silhouette. Et ça me ressemble, même si je ne le porte pas au lit. Mais donc, le Pierre de Maere des médias n’est pas un alter ego.

Vous dites que vous avez vécu une enfance heureuse, dans la campagne brabançonne où vous vous ennuyiez quand même un peu. L’ennui vous mène vers la musique et rien d’autre?

Je voulais être photographe de mode. Et la musique est revenue peu à peu, je me suis mis à chanter en français et je me suis découvert moins pudique. Mais je n’ai jamais eu de plan B. Je pense d’ailleurs qu’il ne faut pas avoir de plan B. J’aurais de toute façon eu une flemme monumentale de faire quelque chose qui ne me plaisait pas. J’aurais trouvé ça injuste alors que j’avais des choses qui me passionnaient et semblaient prometteuses. J’aurais pu aussi avoir des parents qui auraient refusé que je fasse ce que je fais, ou des parents moins privilégiés qui m’auraient dit qu’ils ont besoin de moi pour ramener des sous. J’ai eu beaucoup de chance d’être dans un environnement qui m’a permis de faire ce que je voulais. Je suis né dans la bonne famille pour faire de la musique. Plus tard, dans 10 ans peut-être, vers mes 30 ans, je prendrai ma retraite –si ça marche bien, pourquoi pas!– et j’aimerais bien être prof de français! Quand je voyais mes profs à l’école, j’avais envie d’être à leur place.

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