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Cristiana Reali: « Je ne suis pas contre ce féminisme un peu radical d’aujourd’hui »

Si on aborde la question du féminisme avec Cristiana Reali, c’est parce qu’elle incarne magnifiquement sur les planches (et bientôt chez nous) une grande dame qui a fait énormément avancer la cause des femmes: Simone Veil. Une pièce émouvante et troublante, au-delà de la ressemblance physique, dans laquelle on comprend à quel point les douleurs intimes forgent les convictions et dessinent les combats à mener.

Cristiana, vous incarnez Simone Veil sur les planches mais vous êtes également à l’origine de cette pièce, que vous avez adaptée (avec Antoine Mory) de l’autobiographie de cette grande dame…

À sa mort, en 2017, j’ai lu sa biographie, «Une vie», et je me suis dit que Simone Veil était une héroïne dramatique incroyable, qu’on pourrait retrouver au théâtre. Mais comme elle venait de disparaître, je trouvais que ce n’était pas le bon moment. J’ai demandé les droits d’adaptation à sa famille, qui me les a accordés et, pendant le Covid, on a commencé à travailler à l’adaptation. Ce type d’héroïne dramatique, je ne l’avais pas encore joué au théâtre et puis, il y a sa parole, qui a encore une résonnance aujourd’hui. J’étais un peu inconsciente. Ce n’est qu’au moment des répétitions, quelques jours avant la première, que je me suis demandé si les gens allaient accepter la pièce, si c’était bien de faire la pièce maintenant, si j’étais crédible dans ce rôle-là…

Ce type de questions vous traverse souvent quand vous endossez un nouveau rôle?

Ça arrive souvent, dix jours avant la première. Il y a ce moment où on pense que ça ne marche pas, qu’on n’y arrivera pas, où je panique. C’est toujours comme si on recommençait à zéro.

Au début de la pièce, Simone Veil est décrite en un mot:moderne. Si vous, vous deviez la décrire en plusieurs mots?

Moderne serait dedans bien sûr. Et j’ajouterais une droiture, une empathie, une force, une autorité, une intelligence des actes et une pudeur.

Avant de vous pencher plus en détails sur sa vie et ses combats, quelle image aviez-vous d’elle? Quand l’avez-vous découverte?

Elle a toujours été dans mon univers. Simone c’était une personne qui était là dans l’horizon, qui prenait la parole lors d’événements importants, politiques mais aussi sur le devoir de mémoire, sur la Shoah, la santé. Elle était présente dans la vie publique, dans la vie de tout le monde. Quand la loi Veil est passée, je venais d’arriver en France et c’était quelque chose d’important. Je devais avoir 9 ans et ces mouvements-là, je m’en souviens, on en entendait parler, sans comprendre évidemment l’ampleur des choses. La loi Veil, pour moi, c’est mon arrivée en France, d’autant plus qu’on est quatre filles chez nous et c’était important pour nous. Et en même temps, dernièrement, je l’ai découverte beaucoup plus moderne, parce qu’avant je la trouvais plutôt classique, un peu réac’ dans l’image que j’en avais à l’époque. J’ai aussi découvert quelqu’un avec une vraie empathie. Les détails de sa vie –le camp, son éducation, sa mère,...– tout ça a forgé sa vie et dessiné son humanisme. Ce sont les détails de sa vie qui font qu’elle a ces envies-là pour la société, ces combats-là.

Le mot «féminisme» aujourd’hui, il vous inspire quoi? Simone Veil l’était, féministe, mais ne voulait pas trop qu’on lui accole cet adjectif…

Il y avait le mouvement des MLF, je m’en souviens très bien parce que ma mère faisait des réunions féministes (sourire), et c’est vrai qu’il y avait un côté un peu pur et dur. Simone Veil, souvent, disait tout et son contraire, ça dépendait de la situation. Elle disait ne pas être féministe dans certaines revendications. Par exemple, elle ne parlait pas des femmes qui sont les esclaves des hommes, mais elle préférait parler des droits des femmes qui devraient être les mêmes que ceux des hommes. Elle ne veut pas être égale aux hommes, elle veut avoir les mêmes droits. C’est là qu’elle s’est imposée comme féministe. Elle parlait des quotas en disant que c’est ça qui diminue le plus les femmes mais que si on n’a pas ces quotas, malheureusement, on n’a rien. Donc elle était favorable aux quotas. Je pense qu’elle se serait un peu énervée sur le féminisme d’aujourd’hui…

Où vous situez-vous par rapport au féminisme d’aujourd’hui?

Je ne suis pas toujours d’accord parce que je trouve qu’il y a des choses très exagérées mais, en même temps, elles ont raison d’y être. Ces filles-là se battent, ça peut paraître agressif mais, à l’époque de la loi sur l’avortement, c’était déjà très agressif. Mais on l’a oublié…

Le fait d’avoir deux filles vous aide-t-il davantage à comprendre le féminisme d’aujourd’hui?

Oui, même si j’ai toujours cru être féministe et que, face à elles, je ne le suis pas! (rires) Je rigole bien sûr… Mais elles sont très engagées, pour elles tout est une raison pour que les femmes montent au front! C’est pour ça que je ne suis pas contre ce féminisme un peu radical d’aujourd’hui. Est-ce qu’il n’était pas déjà radical à l’époque? Je pense que s’il n’y avait pas ces femmes un peu radicales, les choses n’avanceraient pas.

Le devoir de transmission était important chez Simone Veil. Vous, quelle est la chose la plus importante que vous avez réussi à transmettre à vos filles?

Le fait d’être loyal, bon, dans le sens de la bonté. Je pense que j’ai été élevée comme ça, Francis (Huster) a ça aussi en lui, donc j’espère, je pense même, qu’on leur a transmis ces valeurs-là.

Simone Veil disait qu’elle était incapable de modération dans ses convictions. Vous-même êtes plutôt modérée?

Ça dépend dans quelle situation. Mais je dis vraiment ce que je pense –parfois c’est maladroit, parfois c’est dur– mais je sais à qui je le dis. Ce n’est pas une lâcheté. À la télé, par contre, je suis très modérée, je ne suis pas une bonne cliente. Je considère que, avec la télé, on entre chez les gens et on ne doit pas dire n’importe quoi. Et quand je ne suis pas experte sur un sujet, je préfère me modérer, même si j’ai une opinion bien sûr. Et j’en ai marre d’entendre tout et n’importe quoi à la télé maintenant, qu’on essaie toujours de nous faire dire des trucs pas sympas les uns sur les autres. Pourtant j’ai un avis, mais je ne me sers pas de la télé pour ça!

Le grand public vous a découverte à la télé dans «Terre Indigo», vous avez une carrière au théâtre de plus de 30 ans et vous avez aussi été l’égérie de Lancôme. Votre beauté physique, il a fallu parfois un peu la gommer, pour la faire oublier?

Non, je n’ai pas essayé de la gommer… déjà parce que la vie le fait elle-même! (rires) À un moment, la vie le fait pour vous. Et je suis complètement à l’aise avec ça. Ce qui m’a un peu embêtée, par contre, c’est quand on ne me voyait que là-dedans. Il y a deux choses en fait qui ont été compliquées pour moi: d’avoir été avec Francis (Huster, le père de ses filles, NdlR) –même si je n’ai pas été malheureuse du tout!– et d’avoir un physique qui pouvait parfois empêcher des gens de m’imaginer comme actrice. Je ne comprenais pas trop: je voyais beaucoup de très belles actrices qui étaient en couple avec des gens du métier et moi on me faisait beaucoup de remarques. Je ne sais pas pourquoi moi. Je me suis dit que de toute façon je ne jouerais que des rôles que j’avais envie de jouer. Et j’ai eu la chance de ne jouer que des grands premiers rôles. De temps en temps, j’avais envie de faire une comédie légère, pas toujours des rôles de belle nana, et ça marchait moins bien. Les gens acceptaient moyen le fait que je m’enlaidisse. Il y a un public qui vient me voir pour certaines choses. 

Et c’est frustrant pour vous?

Non parce que je l’ai fait quand même, même si ce n’est pas ce qui a marché le mieux.

Et le fait d’avoir été, pendant plusieurs années, l’égérie de la marque Lancôme, à une époque où ce n’était pas du tout courant comme aujourd’hui, ça vous a apporté quoi?

À l’époque, ça ne se faisait pas. Je me souviens très bien que j’avais été critiquée pour ça. Dans une émission de Fogiel on m’avait demandé si je trouvais normal qu’une actrice vende du rouge à lèvres! Alors qu’aujourd’hui tout le monde le fait. Mais ça m’a apporté énormément de choses. D’abord un confort, parce qu’au théâtre on n’a pas toujours le même confort qu’au cinéma ou à la télévision. Ça m’a permis de pouvoir élever mes enfants, avec quelqu’un pour m’aider tout en continuant à travailler. Ça m’a apporté une liberté en fait. Au Brésil, ça a été très important pour eux, ça a été une fierté, que ce soit une Brésilienne qui soit appelée par Lancôme pour remplacer Isabella Rossellini. Et, au-delà du confort financier, ça m’a apporté une notoriété. Ce contrat de six ans est arrivé en même temps que «Terre Indigo», ça a été une période très importante pour moi.

En détails

Simone Veil, les combats d’une effrontée - Le 05 & 06/04 au Théâtre de Wolubilis (Bruxelles). wolubilis.be

Le 07/04 au Théâtre de La Louvière. cestcentral.be

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