Rencontre avec Alexis Michalik : «Pour écrire ça, il fallait que je souffre un peu plus »

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Il aurait pu se contenter d’une carrière d’acteur à la belle gueule… mais son envie de raconter des histoires avec ses propres mots était plus forte. Bien lui en a pris. Alexis Michalik est aujourd’hui un comédien, auteur et metteur en scène de théâtre multi-récompensé. Et qui sait aussi frapper en plein cœur quand il passe des planches au cinéma avec ce film, «Une histoire d’amour».

Alexis, ce film, qui a d’abord été une pièce, s’intitule «Une histoire d’amour». Mais en fait, il n’évoque pas qu’une seule relation d’amour…

Oui et ça parle presque plus de la perte de l’amour que de l’histoire d’amour en elle-même. Il y a la question aussi du: «Est-ce qu’on peut aimer à nouveau? Est-ce qu’on peut avancer?». Cette histoire, je l’avais dans un tiroir dans ma tête, mais je me suis dit que pour l’écrire, il faudrait que je souffre un peu plus. Puis, je me suis fait quitter. J’étais donc au bon endroit émotionnel pour raconter cette histoire. Et c’est sorti tout seul, très vite. Tous les questionnements me traversaient. Pour l’anecdote, avant de commencer la pièce, on était tous chacun en couple et on s’est tous séparés! Quand je suis allé en Espagne ensuite monter la pièce, j’ai dit aux acteurs qu’il y avait une malédiction… Et eux aussi se sont séparés! Je pense que le fait de jouer tous les soirs une pièce qui parle de la séparation, que la vie va vite, provoque une prise de conscience au bout d’un moment.

Pourquoi avoir voulu adapter cette pièce-ci au cinéma?

Déjà, quand je l’ai créée, on m’a dit que c’était un film. Mais ce qui m’a convaincu, c’est que j’y ai vu la possibilité d’amener l’équipe de création de la pièce (Juliette Delacroix, Marica Soyer, Pauline Bresson) au cinéma. Je ne pouvais pas le faire pour l’adaptation d’«Edmond» (la pièce elle aussi devenue un film, NdlR) pour plein de raisons. Et je trouvais que ce serait beau, ici, cette continuité. Il y avait quelque chose d’assez fou, de vertigineux de se dire qu’on va prolonger l’expérience, l’approfondir avec ces mêmes actrices.

La question du deuil est également très présente dans cette histoire. C’est la conscience de la mort qui vous rend boulimique de travail?

Oui, exactement. J’ai une hyper conscience de la mort. C’est pour ça que je fais autant de choses si jeune. Il y a ce truc du «il faut se dépêcher».

Très jeune donc, vous avez mis en scène puis, ensuite, écrit vos propres pièces. Qu’est-ce qui a déclenché ça, alors que vous vouliez être acteur?

J’ai fait un «Roméo et Juliette» à 18 ans et la mise en scène de cette pièce m’a donné envie d’essayer. Les premiers spectacles que j’ai montés, c’était des classiques revisités, un peu potaches, un peu délire. Et dès le premier spectacle, en 2005, il y avait des gens qui applaudissaient et je me suis senti légitime. J’ai fait un autre spectacle ensuite et je me suis dit que l’expérience était concluante et j’ai continué… J’ai toujours écouté le public en fait. Un jour, un peu par accident, j’ai écrit ma première pièce («Le porteur d’histoire») et le public a été au rendez-vous. Et la pièce se joue toujours aujourd’hui… Si les gens sont intéressés par ce que je peux raconter, je vais donc continuer à raconter des histoires, me renouveler.

Toutes vos pièces sont, depuis, de gros succès. Et ont cette particularité de ne pas mettre à l’affiche des grandes stars…

Ce n’est pas que je ne veux pas de méga stars dans mes pièces mais les méga stars, c’est chiant: elles viennent jouer trois mois, prennent beaucoup d’argent,… Moi, si je fais un spectacle, j’ai envie qu’on le joue longtemps! Et surtout, dès le début, dans l’écriture, j’ai toujours vu une troupe. Si j’ai 10 acteurs, il faut que les 10 jouent autant l’un que l’autre. Je ne peux pas supporter l’idée qu’un acteur joue pendant 1h30 alors qu’un autre vient pour deux scènes. Dans mes spectacles, il n’y a aucun rôle en dessous d’un autre. Étant acteur moi-même, je sais ce que c’est d’être dans un spectacle et de s’ennuyer un peu, d’attendre sa scène.

Et votre place de réalisateur au cinéma, vous pensez l’avoir trouvée?

Je la cherche encore. Le cinéma est un art beaucoup plus populaire que le théâtre. Il y a plus de gens, plus de moyens et les gens qui vont au cinéma ne sont pas les mêmes que ceux qui vont au théâtre. Autant au théâtre j’ai l’impression d’avoir trouvé ma place en racontant des histoires populaires de manière exigeante, autant au cinéma je suis encore en train de chercher ce que ça peut apporter que je fasse des films. Je n’ai pas la nécessité de le faire. Si je fais des films –ce qui est un engagement plus lourd que faire des pièces– il faut que ça ait du sens.

Et votre carrière d’acteur? Vous jouez dans ce film-ci, on vous a vu dans pas mal de rôles à la télé, au cinéma aussi. Comment vous les choisissez aujourd’hui?

Déjà, on ne m’en propose pas tous les 36 du mois. Je suis toujours flatté quand on pense à moi et il faut que j’aie le temps aussi. La chance que j’ai aujourd’hui c’est que je n’ai pas besoin de tourner pour manger. Quand on me demande si je veux faire un rôle de flic pour un téléfilm et que je commence à lire le scénario et qu’il n’est pas terrible, je n’ai pas d’obligation d’y aller. Et c’est un grand luxe. Je n’y vais donc que quand ce sont des projets qui me plaisent, comme dernièrement «À la folie» (dans le rôle d’un pervers narcissique face à Marie Gillain, Ndlr). Et là, je viens de jouer dans un biopic sur Florence Arthaud où j’incarne Olivier de Kersauson. C’était fou comme tournage et l’histoire est fascinante. Ça, ce sont des petits bonus. Acteur, c’est moins de responsabilités que d’être à l’initiative d’un projet! (sourire) On est les derniers arrivés sur un plateau, les premiers partis et on est les mieux payés! C’est génial d’être acteur… quand on tourne! Et c’est ça le plus dur: avoir du boulot.

Une histoire d’amour de (et avec) Alexis Michalik. Avec Juliette Delacroix, Marica Soyer, Pauline Bresson, Léontine d’Oncieu …