Il y a presque deux ans, il terminait finaliste de «Top chef». Depuis, Arnaud Delvenne prend sa revanche sur la vie, qu’il mène à 1000 à l’heure et qui l’a amené au sud de Paris. Ici, il est Papa Pool, l’une des adresses des Bistrots Pas Parisiens. Situé en bord de lac artificiel, l’établissement peut miser sur une grande terrasse et une plage l’été et un intérieur élégant, qui rappelle l’atmosphère des chalets, par temps plus frais. Mais surtout, il peut compter sur la bonne humeur constante d’un chef qui s’est redécouvert il y a peu. Visite des lieux avec ce Liégeois sensible, touchant et extraverti.
Arnaud, pourquoi vous êtes-vous lancé dans les Bistrots Pas Parisiens, quelques mois après l’ouverture de votre restaurant à Liège?
Le resto à Liège, je l’ai ouvert alors que j’étais déjà associé avec Hakim (Gaouaoui) et Stéphane Rotenberg (le présentateur de «Top Chef»), qui ont créé le concept des Bistrots Pas Parisiens. Seulement, on ne savait pas à l’époque quel serait mon rôle. Ça s’est fait naturellement, le temps que je comprenne leur dynamique. J’ai aimé cette cuisine de bistrot hyper incarnée par les serveurs. Quand l’idée du Papa Pool à Clamart s’est construite, on m’a proposé que j’en sois l’ambassadeur chef. Et vu que j’étais en pleine rupture avec mon ex, il n’y avait plus beaucoup de choses qui me retenaient en Belgique. Mis à part mon resto Nono, mais qui est maintenant sous la direction de John, le chef qui me remplace.
Le Papa Pool ne se trouve pas en plein cœur de Paris, mais au sud de la capitale. Ouvrir un resto en plein Paris, ça ne vous a jamais tenté?
Je mentirais si je disais que je n’y ai jamais pensé. Dès que je suis sorti de «Top Chef», mon souhait était de m’installer sur la région parisienne. Et quand Stéphane et Hakim m’ont proposé cet endroit, j’étais émerveillé. C’était l’occasion de repartir à zéro, de reprendre de nouvelles habitudes, de recommencer à cuisiner dans un établissement,… Mais comme je n’aime pas être assis sur une seule chose, je conserve mes autres activités, les repas privés, les «Diner in the sky»… Et ce n’est pas parce que je cuisine à Paris que je vais me faire naturaliser français! Je resterai belge et j’ai toujours «Made in Liège» tatoué sur mon cou.
On vient ici, au Papa Pool, pour quoi en priorité? Pour la terrasse, la plage avec vue sur le lac ou pour vous?
D’abord, on vient ici parce que ça fait partie des Bistrots Pas Parisiens. Ça existait avant moi et ça existera après moi. Moi, je suis juste un peu de sel en plus sur le plat! Je ne pense pas que le fait qu’il y ait Arnaud Delvenne soit le leitmotiv pour y venir!
Qu’est-ce que vous amenez en cuisine dans ce concept des Bistrots Pas Parisiens?
Au Papa Pool, je suis aidé par un chef, Arnaud Bourgeois, qui met en œuvre tous les jours. Ce que j’apporte, c’est ma bonne humeur, mon expérience dans les hôtels et, aussi, des goûts parfois plus novateurs. C’est de la cuisine de bistrot avec quelques influences qui viennent un peu de partout, d’Italie, de France, de Belgique. La trame de fond reste du bistrot, on n’a aucune prétention, sinon celle de faire plaisir. Puis, je fais autant le service que je ne suis dans les cuisines avec les équipes. Ce n’est pas parce que j’ai fait «Top Chef» que j’en ai oublié mon premier métier qui était la restauration. Je suis un peu couteau suisse ici.
Pourquoi c’est si important pour vous de faire de la cuisine de bistrot?
Pour mon restaurant à Liège, Nono, je ne me suis pas trompé. Par contre, je pense que j’avais un idéal de la cuisine italienne, avec ce truc de partage, qui ne fonctionnait pas. On a dû modifier ça et là, j’ai été déçu. Ici, par contre, avec la cuisine de bistrot, les gens partagent à table. Et si on doit changer un plat à la carte parce qu’on a eu deux critiques, ici, on le fait. Le client, je veux qu’il reparte satisfait de son expérience, autant culinaire qu’au niveau de l’ambiance et du service.
Comment expliquez-vous que ce souci de partage et de convivialité soit plus important pour vous que le fait de décrocher une étoile?
L’étoile, je réponds toujours que c’est soit sur la poitrine du shérif, soit dans le ciel! Cela vient du fait que, pour moi, je ne travaille pas. Je m’amuse H24. Tout ce que je fais, je le fais parce que ça m’anime. Et non, je ne bouffe pas à tous les râteliers. Honnêtement, j’aurais pu me dire: «j’ai fait ‘Top chef’, je reste bien assis dans mon sofa et je ne bosse que quelques jours dans mon resto et je fais quelques photos avec les gens». Mais je préfère bosser 7 jours sur 7, entre la France et la Belgique. Et le côté financier ne m’intéresse pas.
Concrètement, Nono, à Liège, reste votre restaurant?
Je suis toujours associé chez Nono mais, même pour moi, c’est un peu flou. Dès qu’il y a de l’affect dans quelque chose, c’est toujours compliqué. Et moi, je vis toujours tout à 1000%, que ce soit dans mes relations privées ou professionnelles. Par exemple, mon ex, Arnaud, j’ai été hyper déçu parce que je l’aimais énormément et j’aurai toujours des sentiments pour lui. Nono, cela reste mon projet, et même si j’ai pris d’autres chemins, je ne l’oublie pas. Et si demain c’est vraiment la merde, oui, je pourrai y retourner. Je n’ai jamais lâché la proie pour l’ombre, ni dans ma vie privée, ni dans ma vie professionnelle. Ça, c’est très important pour moi.
D’où vous vient cette envie de multiplier les projets? Vous dites que vous avez «la dalle»…
Je pense que tous nos choix d’adulte viennent de l’enfance. Dans mon cas, on n’était pas les plus riches, on n’avait pas toujours des super Noël ou Saint-Nicolas, mais on avait de l’amour. Et quand j’ai commencé à bosser, j’ai réalisé qu’en bossant comme un dingue –et je le regretterai peut-être un jour– tu pouvais te faire plaisir et faire plaisir à tes amis. Tandis que quand tu es en train de compter tes ronds de carottes, tu ne vas pas dire aux gens que tu as du mal financièrement et tu vas trouver une excuse, dire que tu es fatigué, que tu dois travailler,…
Pourquoi dites-vous que vous allez peut-être regretter un jour d’être autant hyperactif?
Parce que ma maman est décédée très jeune et je m’approche doucement de l’âge de son décès. Ma maman, je ne pense pas qu’elle se soit amusée toute sa vie, elle a éduqué quatre enfants. Moi, je n’ai pas envie –même si j’ai eu de belles relations– de me mettre dans une relation hyper ancrée et n’avoir rien vécu. Parfois les projets prennent, parfois pas. Mais demain, je peux mourir, je me serai bien amusé.
Il y a quand même des choses que vous regrettez, qui n’ont pas donné le résultat que vous espériez?
Oui. Nono, si c’était à refaire, je ne le referais pas comme ça. J’étais dans l’inconnu. C’est un projet qui s’est décidé avant «Top Chef», contrairement à ce qu’on croit. Mais les critiques du resto sont bonnes. La seule chose qu’on peut dire c’est que je n’y suis pas présent.
Votre côté extraverti, il a toujours été là ou il s’est développé une fois que vous avez perdu beaucoup de poids?
C’est venu avec le changement physique. J’avais déjà beaucoup d’humour, mais j’étais plus introverti. Ça cache toujours quelque chose, l’exubérance. Et je n’ai pas honte de le dire: parfois je rentre chez moi et je pleure, je m’écroule. Parce que je suis hypersensible et que je vis à 1000%. Parfois, je m’enflamme trop vite puis je suis déçu. Mais très vite j’enlève mon «bad mood», je me dis que si la vie n’est pas belle, regarde devant toi ou de côté mais pas derrière, sinon tu trébuches. J’ai fait des erreurs, je regrette des choses mais je ne veux pas subir ma vie. «Top chef» et mon opération surtout (il s’est fait placer un bypass gastrique, NdlR), ça m’a aidé à faire «le deuil» du deuil de ma maman, même si ça me marque encore très fort aujourd’hui (il s’interrompt, ému, NdlR). Mais les gens qui viennent au resto, ils s’en foutent de ta vie et c’est normal. Tu ne peux pas leur imposer ça. Donc, j’ai la banane tout le temps. Mon copain actuel me dit qu’il ne comprend pas comment je fais pour dormir 5 heures par jour et être en forme et de bonne humeur! (sourire) Et quand je suis d’hyper mauvaise humeur, je le cache. Je vais être très honnête: j’étais gros (130 kilos) et pas très beau. Et oui, ça a tout changé. C’est dommage qu’un physique fasse changer le regard des autres.
Et ce changement est récent…
Oui, ça a fait deux ans en avril que j’ai subi cette opération. Je commence seulement à récupérer un corps un peu correct, j’ai récupéré du poids, je suis à 75 kilos maintenant. C’est vraiment une deuxième naissance. J’ai changé physiquement et, en même temps, j’ai été mis en lumière à la télé pendant 4 mois et demi. Je pense donc qu’aujourd’hui, c’est une vraie revanche, parce qu’il y a des gens qui ne croyaient pas en moi, j’ai eu des patrons qui m’ont traité d’imbécile. Alors, je ne suis pas millionnaire, je dois travailler 7 jours 7, mais je m’amuse et je calcule moins qu’avant. Et je fais beaucoup profiter les autres.
Vous dites que vous n’avez pas envie d’être dans une relation hyper ancrée. Vous n’avez pas envie de vous poser en couple?
Quand j’étais gros, j’ai été marié pendant 10 ans. Et il reste la personne la plus importante de ma vie après ma maman, parce qu’on a traversé tellement de choses ensemble! On avait une maison, des projets. Puis, ma mère est décédée et je suis devenu un autre Arnaud. Je n’avais plus envie de rien et je ne voulais pas qu’il soit malheureux à côté de moi. Ça, c’est un vrai regret. Puis, j’ai rencontré une autre personne avec laquelle je suis resté six ans et on a eu une belle vie. Il m’a fait découvrir plein de choses à une époque où j’étais mal payé. Ensuite, après «Top Chef», j’ai rencontré un beau gosse. Mais il n’y avait pas cette espèce de simplicité. Je ne sais pas si c’est mon changement mental –je suis beaucoup plus affirmé–, physique ou de rythme vie, mais les relations aujourd’hui, post «Top chef», sont compliquées.
Le fait d’être connu est un frein aux relations?
Quand on vient me parler, c’est pour évoquer «Top chef» et ça ne me gêne jamais. «Top chef» c’est la plus belle expérience de ma vie. Mais pour la personne qui m’accompagne, c’est différent. Quand on est au restaurant, on n’est jamais à deux en amoureux, parce qu’il y aura quelqu’un qui viendra me parler. Mais je trouve ça normal. Au même titre que moi je le ferais si je voyais Loïc Nottet ou Eddy de Pretto: je voudrais aussi une photo avec eux, je les adore!
Est-ce que vous êtes resté en contact avec les autres candidats de votre édition de «Top chef»?
De temps en temps, on s’envoie un petit message. Mais après l’émission, chacun reprend un peu le court de sa vie. Mais ce n’est pas pour autant qu’on oublie ces personnes, elles restent dans votre cœur. Par nostalgie, je regarde encore beaucoup les photos de la saison 13 de «Top chef». Même quand j’en parle, il y a de la nostalgie parce que c’est vraiment ce qui m’a permis d’être de nouveau moi.