Rencontre avec Élodie Gossuin: «Il faut se déculpabiliser de ne pas être parfaite»

Darius Salimi

Animatrice télé, ancienne Miss France, mère de quatre enfants (deux fois des jumeaux), Élodie Gossuin vient de publier «Mam’s», un livre décomplexé et à son image. Elle se confie.

Élodie, vous renvoyez l’image d’une femme toujours souriante et spontanée. Vous êtes la même à la maison?

Totalement. Je ne triche pas. Si je suis perçue de façon sympathique, c’est ma plus belle récompense. À travers mon métier, j’essaie simplement de transmettre du bonheur aux gens. Cela dit, il est impossible d’avoir une barrière psychologique totalement étanche face aux critiques sur les réseaux sociaux. Quand je reçois des messages qui remettent en cause la mère ou la femme que je suis, c’est parfois difficile à encaisser. Pour contrer cela, je tiens à diffuser de la bienveillance autour de moi, même si je ne dévoile pas toutes mes fêlures ou mes faiblesses.

Qui a eu l’idée de publier un ouvrage mêlant dessins et écrits?

C’est moi! Ce n’est pas forcément un format que les maisons d’édition affectionnent, mais je ne voulais pas proposer un énième guide bien-être et dire: «J’ai 40 ans et je mange des graines de chia tous les jours». Je ne voulais pas être hypocrite. Dans notre société, on a surtout besoin de sororité et de solidarité. Pour aborder des sujets de société importants, comme le harcèlement ou la sexualité, il était plus facile pour moi de le faire sous forme de bande dessinée et de donner la parole à des professionnels. Et puis, je pense qu’il est important de se déculpabiliser de ne pas toucher la perfection comme certains diktats nous l’imposent.

Quel regard portent vos enfants sur la femme que vous êtes ?

Ils sont fiers de moi. J’ai toujours tenu à leur transmettre la valeur du travail et de l’abnégation. Je ne sais pas si je suis le meilleur exemple, mais je suis une femme libre et qui tente des choses pour ne jamais stagner. Pour moi, rien n’est jamais acquis. J’ai toujours eu la chance d’être présente au bon endroit et au bon moment, et ça a commencé avec l’élection de Miss France.

La quarantaine, ça a été un cap difficile à surmonter ?

Je pense rarement à l’âge que j’ai. En revanche, je ressens que mon corps encaisse différemment au fil des années. Je me dis parfois que je serai s incapable de mener une grossesse gémellaire aujourd’hui. Avant, je pouvais aller travailler après avoir passé une nuit blanche. Mon corps change, mais je ne me morfond s pas. Parfois, je me demande comment je suis parvenue à animer une matinale radio pendant 12 ans ! Cela dit, si on m’avait dit qu’à 42 ans j’aurais la chance d’avoir quatre enfants formidables et un mari aimant, je ne l’aurais pas cru.

Darius Salimi

Avec un rythme de vie aussi effréné, ressentez-vous parfois un sentiment de culpabilité ?

Bien sûr, en permanence. Ce sentiment s’atténue un peu avec le temps car mes enfants grandissent et comprennent mieux les choses, mais je me suis toujours dépêchée de rentrer à la maison par peur de louper des choses importantes. J’en ai loupé certaines d’ailleurs, comme le simple fait d’emmener mes enfants à l’école le matin. Il y a toujours des concessions à faire, mais il faut savoir se concentrer sur le positif. Être mère, c’est le métier le plus difficile du monde. J’ai peur en permanence pour mes enfants. Je pense que je suis un peu trop maman poule.

Vous semblez amoureuse de votre mari Bertrand comme au premier jour…

C’est vrai, et même encore plus. Il est le pilier de ma vie. Il m’encourage en permanence. Quand j’ai peur de prendre des décisions professionnelles, il me dit: «Ne t’en fais pas, fonce, on se débrouillera». Comme il n’évolue pas dans le monde des médias, il a beaucoup de recul sur mon métier. Il m’aide beaucoup psychologiquement. Sans lui, je ne serais certainement pas celle que je suis aujourd’hui. Je lui fais entièrement confi ance. J’ai la chance d’avoir trouvé mon âme sœur et c’est un trésor que je tente de chérir au mieux car ce n’est pas donné à tout le monde.

Vous avez été élue Miss France en 2001. Cette écharpe a-t-elle été parfois diffi cile à porter ?

Oui, car elle impose des grandes responsabilités. Parfois, on n’a pas forcément envie de sortir en étant maquillée et habillée avec une robe de princesse. On sent aussi en permanence le poids du regard des autres. Pendant une année entière, on est en représentation sept jours sur sept et 24 heures sur 24. C’est parfois un peu lourd. Cela dit, j’ai toujours vu cette couronne comme un cadeau. Elle trône toujours dans ma chambre et c’est un sésame extraordinaire. Je l’ai toujours considérée comme un moteur pour prouver une légitimité autre que celle de défi ler en maillot de bain. Il y a 20 ans, quand je faisais mes débuts à la radio, certains pensaient que j’étais là à cause de l’image que je représentais. Même si ces regards m’ont profondément blessée, je n’ai jamais baissé les bras. Avec la radio, je suis parvenue à faire passer des messages forts uniquement à travers ma voix. C’est une belle revanche.

Vous en avez marre qu’on dise que le concours Miss France dessert la cause des femmes. Pourquoi ?

Ça me fait toujours sourire. Il est clair que Miss France reste un concours de beauté où l’on voit des fi lles en maillot de bain qui sont jugées sur leur physique. Cela dit, l’image de ce concours reste positive car elle donne une tribune à toutes ces femmes qui y participent. Elles jouent un vrai rôle d’ambassadrices qui va audelà d’une image sur papier glacé. Et puis, toutes ces femmes s’affranchissent d’un chemin tout tracé. Elles sont libres de suivre leurs envies. On ne peut que cautionner et encourager celles qui ont le courage d’y participer. C’est d’ailleurs le sujet de ma dernière conversation avec Geneviève.

Geneviève de Fontenay a fondamentalement changé votre vie…

C’est clair. Je l’aime profondément. Je parle encore d’elle au présent. Elle me manque énormément. Geneviève a toujours été là pour moi. On en fait peu des grandes dames comme elle qui assument en permanence leurs opinions. Elle était tout sauf lisse.

Élodie Gossuin et Céline Bailleux, «Mam’s » (Solar)