On connaît certaines de leurs œuvres, mais qui sont ces auteurs belges qui font les belles heures de notre littérature ? Qui se cache derrière chacune de ces plumes ? Max tente de lire en eux comme dans un livre ouvert. L’autrice bruxelloise Odile d´Oultremont est la première à ouvrir sa porte...
Sa plume est délicate et c’est avec intelligence qu’elle décrit les sentiments qui parcourent les êtres à notre époque. Dans son troisième roman, «Une légère victoire» (après deux premiers auréolés de prix), Odile d’Oultremont –physique à la Michelle Pfeiffer, mais ce n’est pas trop son truc qu’on le lui fasse remarquer– provoque la rencontre, ou plutôt le choc, entre deux destins à priori très opposés. Il y est question de mort, d’enfance, de culpabilité et, surtout, des prisons dans lesquelles on s’enferme parfois soi-même (et celles dans lesquelles on nous enferme). «C’est la première fois que j’implique un élément relativement autobiographique dans mes histoires. Je fais d’habitude toujours de la fiction très éloignée de ma vie. Ici, cela concerne mon père, qui, un jour, a renversé de manière totalement accidentelle une dame plus âgée. Mon père, pétri de culpabilité, est allé voir le mari de cette dame et a eu une conversation avec lui qui l’a beaucoup marqué. Ça s’est passé il y a longtemps, mon père me l’a raconté un jour et cette histoire m’est restée en tête. Je me demandais comment on faisait pour vivre avec une culpabilité comme celle-là …». Voilà comment allaient naître les premières lignes de ce roman.
Odile, vous avez étudié l’Histoire, puis êtes devenue scénariste…L’écriture de romans est arrivée un peu plus tardivement dans votre vie. Pourquoi?
J’ai commencé paradoxalement par être scénariste, ce qui n’était pas du tout prévu dans mon cursus. Et c’est le scénario qui m’a menée petit à petit au roman. Mais si vous m’aviez posé la question à huit ans: «qu’est-ce que tu veux faire plus tard?», je vous aurais répondu écrivain… C’était un rêve enfoui. Pendant très longtemps, je me suis dit que je n’étais pas à la hauteur. Et puis, je faisais diversion, c’est pour ça que j’ai étudié l’Histoire, puis que j’ai fait un peu de journalisme…
Pourquoi pas à la hauteur? Il vous manquait quoi?
La confiance en moi, comme plein de femmes, de jeunes femmes.
Et de vécu aussi?
Sans doute oui. Mais après, cette espèce d’idée reçue qu’on doit vivre des choses très compliquées pour pouvoir mieux écrire, je ne suis pas certaine que ce soit une chose à laquelle j’adhère aujourd’hui. Mais peut-être qu’à l’époque, manquant d’expérience et de confiance en moi, et d’actif, j’ai sans doute dû penser à ça.
En 2018, votre premier roman, «Les Déraisons», rencontre le succès public et critique. Cela a changé quoi pour vous?
D’abord, j’étais très heureuse d’avoir écrit le roman que je rêvais d’écrire depuis très longtemps. Et son accueil, c’était la cerise sur le gâteau, totalement inattendue. J’ai eu beaucoup de chance que mon texte soit très vite accepté, je n’ai pas connu les affres de l’édition comme plein de gens. J’ai découvert qu’on pouvait faire les choses, et dans des conditions satisfaisantes et heureuses. Bon, je l’ai découvert tardivement, il y a moyen de le faire plus vite! (rires) J’ai des filles, j’espère qu’elles comprendront ça bien avant moi. Ça m’a ensuite donné une énergie qui était en fait un cercle vertueux. C’est le premier pas qui est compliqué…
Vous être issue d’une famille de la noblesse belge, qui remonte très loin dans notre histoire. Ce patronyme, il a pu être gênant pour vous?
Je pense que ça a été beaucoup plus difficile d’être une femme –blonde aux yeux bleus, pour dire un truc– que d’avoir le patronyme que j’ai. Disons que tout cela mêlé, de temps en temps, peut être un peu particulier parce que les gens projettent des fantasmes sur un nom, sur l’histoire,… La réalité est plus normale. Ce n’est pas du tout une souffrance mais parfois c’est compliqué pour moi d’assumer ça parce que je me rends bien compte que ça fait référence à des choses qui ne sont d’abord pas toujours vraies, ensuite qu’il est nécessaire d’expliquer ou de mettre dans un contexte. Après, je n’ai pas choisi de naître dans un univers comme celui-là . Et en même temps, c’est une vraie chance parce que fondamentalement mes parents sont des gens très ouverts, très tolérants, qui nous ont appris la curiosité intellectuelle. C’est ça la vraie richesse. Le reste n’a pas beaucoup d’importance.
Vous dites que c’était presque plus compliqué de réussir dans l’écriture, en tant que scénariste (notamment pour la série «File dans ta chambre» avec son ex-époux Stéphane De Groodt, NdlR), parce que vous étiez une femme blonde aux yeux bleus. Les gens vous imaginaient-ils, justement à cause de votre physique, davantage en actrice?
Chaque fois que je rencontrais quelqu’un et qu’on me demandait si je ne voulais pas être actrice, ça m’agaçait profondément. Je détesterais faire ça! Indépendamment de cela, j’ai dû en pousser des portes, il faut être tenace dans ce milieu! Pendant très longtemps, j’ai aussi eu l’air d’être plus jeune… Je ne rentrais pas, physiquement, dans les cases d’un scénariste. Mais ce n’est pas simplement une histoire de femme dans un milieu de scénaristes, littéraire. C’est une histoire de femme dans un milieu professionnel tout court. C’est beaucoup plus compliqué, et tout le monde le sait très bien. La seule chose qui m’a permis d’avancer, c’est de faire.
Vos romans intéressent le cinéma aussi. Un milieu que vous connaissez bien: vous avez déjà réalisé un court-métrage …
Mon deuxième roman, «Baïkonour», je l’ai adapté en scénario de film et j’espère pouvoir le réaliser moi-même en 2024. Et pour ce livre-ci, il y a des intérêts de producteurs aussi pour en faire un film. Tout ça est interlié.
«Une légère victoire», d’Odile d’Oultremont (éd. Julliard)
Découvrez le podcast ici : Odile d'Oultremont par A la rencontre des auteurs belges (spotify.com)