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Tatiana de Rosnay: « J’aime la noirceur, je ne suis pas un auteur feel-good »

Elle est l’une des écrivaines françaises les plus lues. Dans ses romans, passé et présent se croisent, pour se mélanger au gré de secrets familiaux et de maisons abritant une histoire.

C’est le cas cette fois encore avec «Nous irons mieux demain» mais, ici, l’autrice de «Elle s’appelait Sarah» va un cran plus loin en parlant d’elle à travers l’une de ses héroïnes, atteinte de troubles du comportement alimentaire…

Tatiana, votre roman débute avec l’accident terrible d’une élégante quinquagénaire, Dominique, sous les yeux de Candice, qui se prendra d’amitié pour cette femme seule. On pourrait parler de manipulation, d’emprise, mais ces deux personnages sont moins manichéens qu’il n’y paraît…

Ma sœur m’avait raconté qu’il y a 40 ans, elle avait assisté à un accident terrible. Ça m’avait tellement frappé, cette image que je suis partie de là pour commencer à écrire ce roman. Mais je ne savais absolument pas ce qu’il allait devenir. J’ai très vite été dépassée, ou plutôt habitée, par ces deux femmes qui ont elles-mêmes toutes leurs zones d’ombre. Et c’est ça qui m’intéressait en fait. Elles sont pas manichéennes, ni l’une ni l’autre.

Et puis, il y a un protagoniste qui surgit du passé, qui s’invite tel un fil rouge tout au long du roman: Emile Zola, que découvre Candice à travers la double vie qu’il a menée…

Mon mari dit qu’il est le passager clandestin de ce livre! Emile Zola s’est carrément invité dedans. J’ai compris qu’il pouvait rentrer dans ce livre par le biais de la mémoire des murs (l’appartement qu’occupe Dominique était anciennement l’habitation de la maîtresse Zola, NdlR). L’appartement de Dominique devait avoir un secret. Et c’est là où toute la vie d’Emile Zola, méconnu, s’offrait à moi. Chez Zola, j’aime la puissance de la plume, le fait qu’il est capable de vous embarquer dans un ailleurs. Surtout, il n’y a pas de happy end, sauf dans «Au bonheur des dames». Et justement, j’aime bien la noirceur. Je ne suis pas un auteur feel-good.

Candice est atteinte de troubles du comportement alimentaire, elle souffre d’anorexie-boulimie. Candice, c’est vous, dites-vous…

Oui, Candice c’est moi. Je n’avais pas prévu d’en parler dans le livre. Mais tout à un coup, je me suis trouvée face à Candice, cette jeune femme fragile et cabossée. Il fallait qu’elle ait une fêlure intérieure. Et je lui ai donné ce bagage émotionnel que j’ai vécu, moi, ce truc qui m’a pourri la vie pendant 25 ans. Et j’ai fait le choix d’assumer que c’était moi.

Aujourd’hui, vous n’en souffrez plus?

Non, mais ça a été très, très long. Vous savez, c’est difficile de raconter une emprise parce qu’on pense être la seule dans cette souffrance. J’ai compris que je ne pouvais pas en parler autour de moi. Je ne savais même pas à qui en parler d’ailleurs. Et comme ma famille ne voyait pas grand-chose, et que je cachais très bien mon jeu… J’avais un rapport exécrable avec mon propre corps, cette fameuse dysmorphophobie. On ne se voit pas comme on est vraiment. On voit quelqu’un qu’on n’aime pas en fait. J’ai toujours vu la nourriture comme un ennemi. Vers 40 ans, j’ai eu une première libération. Je viens d’une famille ou l’apparence était primordiale. Ma première libération a été d’arrêter de me teindre les cheveux. J’ai eu les cheveux blancs très tôt, à 30 ans. J’ai été aidée par mon mari qui trouvait que c’était joli. Puis, j’ai jeté cette foutue balance. C’est à 50 ans que j’ai commencé à me sentir beaucoup mieux.

En détail

«Nous irons mieux demain»

Tatiana de Rosnay

(éd. Robert Laffont)

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