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Virginie Grimaldi parle de son nouveau livre : « Je veux que ce livre fasse du bruit ! »

Ses romans sont à tous les coups des best-sellers. Mais on est ici très loin de la littérature feel-good qui a fait d’elle l’une des autrices françaises les plus populaires. Dans «125 et des milliers», Virginie Grimaldi écrit au nom de Salomé, tuée par son conjoint en 2019. Ce destin tragique et 124 autres mis en mots par des personnalités féminines sont rassemblés dans cet ouvrage collectif «essentiel», nous dit la romancière. Des récits qui tendent vers cet espoir que la société ouvre les yeux pour que les féminicides cessent enfin.

Virginie, on imagine qu’on vous sollicite beaucoup en tant qu’autrice, qu’on vous propose de nombreuses collaborations. Vous avez dit «oui» à celle-ci. Pourquoi?

Oui, on m’en propose beaucoup. Ma condition était que les droits soient bien reversés à des associations (en l’occurrence, l’Union nationale des familles de victimes de féminicides). Car ça n’aurait pas fait sens que les autrices de cet ouvrage soient rémunérées. Ce que j’ai aimé dans ce projet, c’est qu’on n’allait pas parler du drame, mais de la vie de ces femmes, on allait leur donner un visage, une existence, un passé. Ça, ça m’a profondément émue. Mais je n’imaginais pas la difficulté que ça allait représenter…

Vous avez craint de ne pas arriver à écrire?

Bien sûr, je craignais de ne pas être à la hauteur. Avant tout, on porte l’espoir d’une famille. Avant le projet du livre qui est très important, il y a cette famille qui a perdu sa fille, sa sœur,… Et je ne voulais pas les trahir, ni les espoirs qu’ils avaient en disant «oui» au projet. Et je veux défendre ce projet. D’habitude, de mes propres livres, je ne parle pas, car j’ai un gros syndrome de l’imposteur. Mais cet ouvrage-ci, je veux le défendre, je veux qu’il fasse du bruit!

C’est un hommage rendu à 125 victimes et, dans votre cas, à Salomé, que vous ne connaissiez pas… Comment avez-vous fait pour la raconter avec justesse?

Sarah Barukh, qui a eu l’idée de l’ouvrage, m’a donné le prénom et l’âge, 21 ans, de Salomé. Ça a été un choc, j’en ai encore la chair de poule. Elle m’a fourni aussi un enregistrement, que j’ai mis des semaines à ouvrir. Dessus, c’est la maman de Salomé qui s’exprime et explique qui était Salomé. Son parcours et la personne qu’elle était, vont, je pense, faire tomber des idées reçues. Elle ne laissait pas passer la moindre remarque sexiste, elle se battait pour les droits des femmes,… Elle était très engagée et très éveillée. Et c’est vrai que dans l’imaginaire collectif, on se dit que ces femmes victimes de leur conjoint sont soumises, un peu faibles, mais c’est faux! C’est important de savoir que justement il y a plus d’enjeu pour ces hommes de faire rompre une femme forte. 

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Il n’est pas question, dans ce portrait que vous écrivez à la première personne, comme si Salomé tenait un journal intime, des conditions dans lesquelles elle a été assassinée par son conjoint: battue à mort…

J’ai voulu évidemment savoir ce qui s’était passé. Je me sens investie d’une mission: on ne peut pas réparer ce qui s’est passé, mais on peut faire en sorte que ça n’arrive plus. Le procès du meurtrier de Salomé a eu lieu et il a été condamné à perpétuité, j’en ai pleuré toute la soirée. Naïvement, peut-être, ça me donne espoir que les choses changent, en tout cas au niveau de la justice. Mais ces hommes-là, eux, s’en foutent un peu de la peine qu’ils vont prendre, d’ailleurs nombre d’entre eux se suicident après. Mais c’est important pour les familles et pour les femmes victimes de violences de savoir que la justice est de leur côté. C’était inadmissible que jusqu’à présent ce ne soit pas le cas. Ça bouge petit à petit, ce n’est pas suffisant mais ça commence. Il faut que nous on change, qu’on n’accepte plus le sexisme, la misogynie. Ce sont des crimes de possession, d’hommes qui ne supportent pas que la femme leur échappe, qu’elle vive sans eux. C’est trop accepté dans la société, que les femmes appartiennent aux hommes. J’ai espoir quand même en la génération qui arrive, j’ai l’impression que les hommes sont plus féministes. Mais ça reste lent, le climat ambiant reste sexiste. Il faut se battre contre cette société patriarcale. Et ce n’est pas facile, je le vois bien quand, dans un dîner, je réagis à des propos qui me font hurler: je passe pour la chieuse! On a donc tendance à se la fermer parfois, moi la première, pour ne pas gâcher l’ambiance. Je pense que si on ouvre les yeux, avec une prise de conscience collective, on peut faire changer les choses.

Écrire le destin de Salomé, ça a changé beaucoup de choses en vous?

Oui. Je peux dire qu’il y a une quinzaine d’années, je n’étais pas éveillée comme je le suis maintenant. Je pense que j’étais même plutôt sexiste, c’était normal presque qu’une femme soit moins bien payée qu’un homme. J’ai été élevée peut-être dans cette idée-là, et petit à petit, j’ai été éveillée, notamment grâce aux réseaux sociaux, en écoutant les gens. Par exemple, le premier livre que j’ai sorti, «Le premier jour du reste de ma vie», je ne l’écrirais pas aujourd’hui de la même manière. Le personnage de Camille s’y fait opérer pour maigrir et se sent mieux: je ne suis plus du tout d’accord avec ça aujourd’hui. Et ce n’est plus du tout le message que j’ai envie de faire passer aujourd’hui. Tout comme le fait que toutes les femmes du roman finissent en couple et heureuses. Je ne pense plus qu’il faille être en couple pour être heureuse. J’ai évolué sur plein de sujets. Il y a aussi une colère qui est en moi aujourd’hui. C’est vrai qu’il y a de moins en moins d’hommes dans mes livres: dans le prochain, c’est deux femmes et quasi pas d’hommes autour! (rires) C’est presque un pied de nez aux journalistes hommes qui me demandent: «mais pourquoi vous n’écrivez que sur des femmes?» Comme si on posait cette question à des hommes qui écrivent sur des hommes!

«125 et des milliers», conçu par Sarah Barukh, avec la collaboration de 125 personnalités féminines dont Virginie Grimaldi, Julie Gayet, Isabelle Carré, Melissa Da Costa, Andréa Bescond,… (éd. Harper Collins)

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