Il y a des moments qui comptent plus que d’autres dans nos vies, des moments gravés qui lient les êtres chers, renforçant les liens qui nous unissent.
Je n’avais pas vu mon oncle depuis près de 15 ans lorsque j’ai appris par l’un de ses fils qu’il était à l’hôpital depuis trois semaines. Son état était critique, bien qu’il se soit quelque peu stabilisé pour le moment. Me décidant rapidement, je me suis rendue à Lisbonne pour le voir. Dans sa jeunesse, il avait subi une lourde opération du cœur, les médecins ne lui accordant pas plus de deux ans de vie. Plusieurs décennies se sont écoulées depuis, mais à 85 ans, tout peut basculer du jour au lendemain.
Cette visite impromptue a surpris mes cousins, les fils de mon oncle, de qui j’étais très proche. Enfants, nous jouions des heures durant sous le soleil estival, adultes absorbés par nos propres vies, nous nous sommes perdus de vue. La stupéfaction a rapidement cédé la place à la joie et à la reconnaissance d’être à nouveau réunis.
Mes cousins venaient de vivre trois semaines angoissantes, où la mort de leur père planait chaque jour. Ma présence, ainsi que celle d’autres membres de la famille, a permis de nourrir leur réservoir d’espoir, de courage et de force.
Ces retrouvailles auront été brèves mais d’une importance capitale pour nous, car elles marquent un tournant dans notre histoire. Ces heures pèsent bien plus que toutes ces années d’absence. C’est un peu comme au scrabble, lorsque certaines lettres comptent double, voire triple. Cette journée a rééquilibré, pour chacun d’entre nous, l’absence que nous avions mutuellement cultivée.
Notre quotidien chargé et toutes les raisons, conscientes et inconscientes, qui nous habitent, nous empêchent parfois de rendre hommage à nos liens familiaux et amicaux. Le temps file si vite qu’un fossé se creuse.
Parfois, cela crée un malaise, un inconfort à l’idée de renouer. Tous ces désagréments s’estompent une fois que l’on retrouve l’autre. La relation, alors en pause, se ravive comme si nous nous étions vus la veille. L’énergie circule à nouveau, et cela fait un bien fou. On se sent moins seul, on redécouvre une partie de soi. C’est comme si une partie de notre cœur, jusque-là congelée, reprenait vie.
Nous avons tous un ami, un être cher, à qui nous pensons régulièrement, repoussant sans cesse les retrouvailles. Faites le pas avant qu’il ne soit trop tard, avant que l’amertume ou l’indifférence ne s’installe trop profondément, ou qu’il ne soit plus possible de renouer. Chaque retrouvaille est un regret en moins. Qui sait quelles émotions merveilleuses se cachant au fond de nous pourraient être ravivées!