Haute gastronomie de chez nous : c’est la guerre des étoiles !

La (grand) messe (gastronomique) est dite. Du moins pour cette année, pour le Guide Michelin Belgique-Luxembourg 2022. Une année où, une fois encore, la Flandre tire son épingle du jeu et que la Wallonie reste l’enfant pauvre. Mais attention: pas si sûr! Preuve en quelques témoignages de véritables acteurs du secteur.

Par Joëlle Rochette

Publié le 12/06/2022 à 13:00 Modifié le 12/06/2022 à 13:00

Si trois adresses seulement décrochent l’astre céleste au Michelin 2022 en Wallonie et deux au Grand-Duché de Luxembourg, 11 l’obtiennent en Flandre. À cela, il faut ajouter une 3e étoile pour Tim Boury et le compte est bon pour situer tous nos restaurants 3 étoiles belges en… Flandre ! Mais rien à redire sur le talent de ces élus, le mérite est là. Les finances et le pouvoir économique aussi: la Flandre croit et investit dans sa gastronomie bien davantage que la Wallonie. CQFD!

La Capitale en émoi !

Bien légitime, à Bruxelles, Yves Mattagne a amené ses deux étoiles du Sea Grill à la Villa Lorraine. Rien à redire. Par contre, là où ça fait mal c’est du côté du Comme chez Soi. De deux étoiles, Michelin le rétrograde à une seule! Rien ne va plus pour l’enseigne historique considérée par beaucoup comme le parfait témoin de notre patrimoine gastronomique.

Laurence Rigolet-Wynants — Comme chez Soi*

«C’est un véritable séisme», nous ditelle. «Nous avons traversé quantité de difficultés du centre-ville ces dernières années (attentats, piétonnier, pandémie, confinement, travaux), nous n’avions pas besoin de cela en plus. Nous ne voyons pas où le bât blesse. D’autant que le commentaire dans le guide nous interpelle vu qu’il est loin d’être négatif. Fort heureusement, nous avons un phénoménal soutien de tous. Cela nous aide énormément et nous ne changerons pas notre ADN. L’engouement de nos clients est là pour nous conforter dans ce sens et c’est le principal aujourd’hui. Ce qui n’empêche pas que j’attends impatiemment de connaître les explications de Michelin!».

Pierre Résimont — L’Eau Vive** — Profondeville

L’ami de Lionel et Laurence Rigolet nous dit: «la perte de la 2e étoile est étonnante pour le Comme chez Soi. Mais il est difficile de juger sans voir le dossier. Par contre, cela nous pend tous au nez même si nous travaillons avec le plus d’énergie possible. C’est très dur quand ça arrive. C’est comme prendre une balle en plein cœur. L’étoile reste la plus belle récompense pour un chef».

Serge Litvine — La Villa Lorraine** — Bruxelles

«Nous sommes très heureux d’avoir reçu une 2e étoile pour la Villa. C’est le résultat du travail du chef Yves Mattagne, de Fabrice D’Hulster, le directeur de salle, de toute leur équipe. Nous y avons consacré des investissements importants. Quant à la perte d’une étoile cela peut être un électrochoc. Ce fût le cas d’Alexandre Dionisio qui en avait deux à La Villa in the Sky et qui en a perdu une des deux. Mais cela lui a permis de se remettre en question et sa cuisine est à nouveau de très bon niveau, à mon sens du niveau 2 étoiles. Mais, il ne faut pas oublier que l’on est là pour la passion, pour se faire plaisir à soi et aux autres, aux clients, avant tout».

En détail

Comme chez Soi

Pl. Rouppe 23, 1000 Bruxelles

Infos : 02/ 512 29 21

L’Eau Vive

Rte de Floreffe 37, 5170 Profondeville

Infos : 081/ 41 11 51

La Villa Lorraine

Av. du Vivier d’Oie 75, 1000 Bruxelles

Infos : 02/ 374 31 63

Nos pépites favorites en Wallonie

N’en déplaise à certains en hauts lieux épicuriens, beaucoup de bons, voire de très bons restaurants jalonnent la Wallonie. Et si les pluies d’étoiles ne sont pas légion dans la région, la présence assidue des clients est toujours le meilleur des baromètres. Preuve en trois coups de cœur tout nouveau ou tous intemporels.

Marie Trignon — La Roseraie — Modave

Marie Trignon a repris le restaurant de ses parents établi dans cette belle demeure bourgeoise depuis plus de vingt ans. Aujourd’hui, après notamment un écolage chez Ducasse, elle y orchestre une cuisine rafraîchissante, moderne et de très bon niveau. Cadre contemporain épuré, assiette du même acabit et environnement enchanteur font de cette enseigne notre dernier coups de cœur en Wallonie.

«Même si le Michelin n’est, à ma connaissance, pas encore venu à la Roseraie, j’apprécie leur façon de réintroduire dans le guide en ligne de nouveaux restaurants chaque mois. Cela nous donne une super motivation. L’appréciation et l’entrée dans le Michelin est une belle reconnaissance que je serais ravie d’avoir, surtout pour mon père qui est toujours à mes côtés en cuisine. Mais pour moi, l’objectif de mon travail est d’avoir la satisfaction du client. Il faut aussi dire qu’il y a de très belles tables dans la région. Très connues, étoilées ou pas, dont par exemple le Pavillon du Vieux Château qui est situé à deux pas. J’aime aller m’attabler chez des collègues, on y apprend toujours quelque chose!»

Nicolas Tournay — Le Mont-à-Gourmet — Gouy-lez-Piéton

L’enseigne ne fait pas trop de bruit mais représente une véritable pépite gourmande sur cette petite place de village. On y aime le cadre, moderne et épuré mais plus encore la cuisine de son chef, Nicolas Tournay. Lequel a remporté avec sa très belle cuisine personnalisée, le Prix Prosper Montagné de Meilleur Cuisinier de Belgique 2020. S’attabler au Mont-à-Gourmet, c’est apprécier la confondante humilité de ce wallon pure souche qui, lui aussi, concocte d’innombrables petites merveilles réellement «maison».

«Je n’ai pas l’objectif d’être étoilé à tout prix. La satisfaction, la fidélité et les commentaires élogieux des clients me conviennent parfaitement. Par contre, ce sont eux qui pensent que nous devrions avoir une étoile. Cette année, plusieurs m’ont dit que j’allais l’avoir. Mais cela n’a pas été le cas. Par contre, la Plage d’Amée à Jambes l’a perdue. Je ne comprends pas et j’en suis désolé pour son chef car j’y ai fait un repas d’anthologie encore en février dernier. Il est vrai que l’on se sent un peu lésé en Wallonie. Beaucoup va à la Flandre mais je pense que cela est justifié. La solution serait peut-être de regarder ce qui fonctionne bien en Flandre et de s’en inspirer».

Maxime Collard — La Table de Maxime** — Our-Paliseul

Seul deux étoiles en Province de Luxembourg, l’enseigne de Maxime Collard est l’une de nos préférées depuis longtemps. Michelin lui a décerné deux étoiles pour La Table de Maxime et un Bib Gourmand pour sa table voisine, une belle brasserie actuelle appelée Les Terrasses de l’Our. Ici, la mise au vert se fait délicieusement épicurienne et le nouveau cadre, ultra contemporain de la table de Maxime n’a d’égal que l’attention du chef pour les produits les plus locaux possibles ou pour des hébergements de qualité dont profitent les nombreux clients venant de parfois très loin.

«Ado, je rêvais déjà d’avoir un jour une étoile. Lorsque j’ai eu la seconde cela a représenté une consécration. Mais au départ, j’ai eu la chance d’avoir un investisseur pour me lancer après avoir été formé au Forge du Pont d’Oie puis ensuite et surtout dans le 3 étoiles qu’était Karmeliet à Bruges. Il faut reconnaître que la Flandre a beaucoup plus de pouvoir d’achat, de subvention, de soutien au secteur mais il ne faut pas oublier qu’il y a aussi pas mal de jeunes talents en Wallonie. Il faut juste y être attentif car beaucoup sont sans moyens pour se lancer et ils n’ont pas tous la chance de rencontrer le bon investisseur qui les aidera à démarrer. Mais dans un cas comme dans l’autre, c’est un métier formidable qui demande néanmoins énormément d’engagement. Il faut être prêt à cela avant tout et cela demande beaucoup de motivation et de passion!»