Accueil Max Vie quotidienne

Harold Hessel, d’«Affaire conclue» : «Posséder quelque chose ne veut plus dire qu’on appartient à un milieu»

L’univers de la brocante a connu un coup de projecteur – qui ne s’est jamais éteint depuis – il y a 5 ans, avec l’arrivée sur les écrans télé d’« Affaire conclue ».

Un phénomène qui a mis en avant une profession méconnue, celle de commissaire-priseur. Parmi ces experts en objets, Harold Hessel, le « gendre idéal » du petit écran…

Harold, comment devient-on commissaire-priseur ? Votre passion pour les objets vous vient de vos parents, paraît-il…

Oui, je viens d’une famille vraiment traditionnelle avec des parents qui faisaient attention à me donner une culture classique. Depuis tout petit, ils m’emmenaient dans des musées, des salles des ventes… Mes parents étaient très attentifs à mon développement intellectuel. J’ai vécu dans un milieu assez privilégié culturellement, ce qui m’a amené tôt à m’intéresser aux objets. Le parcours pour devenir commissaire-priseur est très encadré, il faut avoir étudié le droit et l’histoire de l’art. J’avais commencé des études de droit mais je me suis aperçu que le juridique pur ne me convenait. En parallèle, j’ai donc fait des études d’histoire de l’art. Et j’ai passé l’examen pour devenir commissaire-priseur. J’ai commencé à l’hôtel Drouot et je ne pensais jamais faire de la télé.

Le métier de commissaire-priseur s’apprend aussi sur le tas ?

En étant confronté à la pratique, en expertisant chez les gens, on apprend vraiment comment estimer les objets, comment les comprendre, au contact de personnes très pointues dans leur domaine, que ce soit l’archéologie ou l’art de l’extrême orient, par exemple.

Il y a 30 ans, les fauteuils Emmanuelle, on les mettait à la poubelle! Aujourd’hui, ils sont partout

Vous êtes donc un meilleur commissaire-priseur qu’il y a une dizaine d’années, grâce à ce que vous avez appris de tous ces experts ?

Oui. Le travail de l’expertise est une chose pour laquelle il faut être très humble. On sait qu’au cours de notre vie professionnelle, on continuera à apprendre des choses. C’est impossible de connaître 2000 ans d’art dans tous les domaines. Il faut savoir se remettre en question à chaque fois…

Cela vous est-il arrivé de vous tromper grandement sur une estimation ?

Quand on sent que l’objet est un peu difficile, complexe, on se fait assister par une personne spécialisée dans un domaine très précis. En termes d’estimation, il arrive qu’elles soient largement dépassées mais c’est une caractéristique du marché de l’art : l’irrationnel. Il peut arriver que deux acheteurs bataillent pour un objet, et cette part irrationnelle, on ne la maîtrise pas totalement. On ne vend pas des boîtes de conserve ou des choses dont on connaît la valeur, mais on donne une idée, une fourchette de prix.

Il y a l’effet de mode aussi. Des objets comme le fameux fauteuil en rotin d’« Emmanuelle » valaient moins à une certaine époque alors qu’aujourd’hui, le rotin est à la mode et coûte cher…

Vous avez raison de souligner qu’il y a des modes. Il y a 30 ans, les « fauteuils Emmanuelle », on les mettait à la poubelle ! ll faut toujours sentir les tendances. Par exemple, le mobilier de type industriel, je n’en avais jamais vendu à l’hôtel Drouot et quand j’ai commencé à participer à « Affaire conclue », j’ai vu que les marchands adoraient ce mobilier et le payaient cher. C’est à moi appréhender les tendances, les nouvelles modes. Après, il y a toujours des classiques dans le marché de l’art, comme les commodes Louis XV, même si les prix ont baissé, de 20.000 à 5.000 euros. Les grands classiques gardent quand même de la valeur et puis il y a les objets qu’on redécouvre.

Edition numérique des abonnés

Mais qui détermine la tendance ? Le marchand ou le collectionneur ?

La tendance fonctionne aussi d’un point de vue sociologique. Les gens déménagent plus, le coût de la main d’oeuvre pour restaurer un objet est beaucoup plus important qu’il y a 100 ans. Les gens vivent aussi dans des espaces plus réduits. Tous ces facteurs font que mathématiquement, il y aura un goût moins prononcé ou une désaffection des nouvelles générations pour les choses anciennes difficiles à restaurer et qui nécessitent de l’entretien, de la place. C’est peut-être aussi une culture que les gens ont moins. Pour nos grands-parents, avoir une commode Louis XV c’était se situer dans un monde, un certain milieu. Les gens n’ont plus ces codes aujourd’hui. Posséder quelque chose ne veut plus forcément dire qu’on appartient à un certain milieu.

Le commissaire-priseur est-il toujours aussi demandé? Y a-t-il toujours énormément d’objets de valeur à estimer ?

Oui, c’est un flux continu. Le commissaire-priseur intervient le plus souvent dans 4 situations courantes: un décès, un déménagement, des dettes et un divorce. Ces événements arrivent tous les jours et il y aura toujours des acheteurs, notamment les Chinois. Ils ont gagné beaucoup d’argent ces dernières années, et aujourd’hui ils s’intéressent au mobilier européen. On les voit acheter de l’orfèvrerie du type 19e siècle, des choses qui ne font pas partie de leur culture intrinsèque. Ils se sont ouverts et c’est tant mieux. Cela ouvre le marché, ça permet aux objets de circuler. Après, que le gouvernement prenne quelques mesures pour interdire la sortie du territoire d’une pièce exceptionnelle ayant appartenu à un roi de France, je le comprends tout à fait.

Quel objet trouvera toujours acquéreur ?

Peut-être pas un objet du 18e siècle. Dans la partie 20e , quand on arrive au design, la chaise longue de Charlotte Ferrand, tout le monde en veut une, tout comme un vase Lalique. Le 20e siècle correspond au goût actuel et sera plus facile à vendre. Moi, j’ai une culture très classique et je suis attaché à ces objets des 17 et 18e siècles. Peut-être qu’ils ne sont plus trop à la mode aujourd’hui, moi je les aime encore beaucoup: la reliure du 18e siècle en marocain, une bergère Louis XVI en bois doré… Mes goûts sont plutôt classiques.

En détails

Harold Hessel

Objets d’histoire, Histoires d’objets

(éd. De La Martinière)

Notre sélection vidéo

Commentaires

Postez le premier commentaire

Aussi en Vie quotidienne

Derniers articles
SoSoir Max vous recommande