Pas besoin de traverser le globe pour s’évader: parfois, c’est au fil des pages que notre esprit voyage. Entre thrillers et récits plus introspectifs, voici la suite et fin de la sélection littéraire de Max pour votre été.
Elle revient de New York où elle a supervisé le tournage de l’adaptation américaine d’un de ses romans. Enfin, plutôt le remake, précise-t-elle, du film (belge) «Duelles», tiré de «Derrière la haine». «C’est vrai que c’est quelque chose d’exceptionnel», se réjouit Barbara Abel, «d’assister au tournage de certaines scènes de mon livre, en décor naturel, et de rencontrer les actrices (Jessica Chastain et Anne Hathaway, rien que ça… NdlR). Je pense qu’en tant qu’auteure on ne peut pas rêver mieux». L’écrivaine bruxelloise, passée maître dans le genre du thriller, détiendrait-elle la clé d’une intrigue réussie, au point qu’Hollywood nous l’envie? Son dernier thriller en tout cas, «Les Fêlures», qui voit comme point de départ deux jeunes amants se «suicider» (mais ne serait-ce pas plutôt un meurtre?) sera l’un de vos compagnons de l’été, que vous aurez du mal à lâcher.
Barbara, vous la connaissez la formule magique du thriller réussi?
S’il y a une recette, c’est celle-ci: ne pas se répéter, se surprendre, se renouveler, travailler beaucoup et ne jamais être sûre…
Les liens familiaux, la figure de la mère, occupent une place prépondérante tout au long de vos livres. Et dans celui-ci, «Les Fêlures», en particulier. Les deux héros, Roxane comme Martin, sont hantés par leur mère respective…
Oui, parce que la mère est à l’origine de beaucoup d’explications. C’est un personnage auquel je dois m’intéresser, surtout dans un thriller psychologique. Et une mère, ça parle au plus grand nombre. Ce sont ces blessures-là, créées par la mère, qui relient le couple formé par Roxane et Martin. C’est peut-être à cause de ça qu’ils se sont trouvés et compris.
Le roman commence par un «suicide», en partie raté. Et de suicide, il est question tout au long du livre. Pourquoi vous y êtes-vous intéressée?
C’est vraiment l’histoire d’un suicide, racontée lors d’un procès auquel j’ai assisté, qui m’a inspirée. Mais ça a été une difficulté de parler du suicide. J’ai dû m’intéresser à quelque chose que je ne connaissais pas. J’ai eu du mal à me mettre à la place d’une personne suicidaire. J’ai dû faire un travail pour les comprendre, en lisant beaucoup de témoignages, en appelant des psychologues,…
Vous posez cette question : qui est responsable d’un suicide ? Le suicidé, dit Roxane, mais peut-être aussi son entourage. Quelle est la réponse ?
Je dois être très prudente en répondant à cette question car, quand quelqu’un dans son entourage se suicide, il peut planer une culpabilité. Mais je ne peux pas être catégorique là-dessus. Chaque cas est personnel, malgré toute la bienveillance, l’amour, l’attention de leur entourage, certaines personnes passent à l’acte.
Un autre personnage est central dans ce roman : Garance, la sœur de Roxane. Elles partagent un lien fraternel très fort…
Oui, j’avais besoin de ce personnage de Garance pour raconter l’histoire. Martin étant mort et Roxane en dépression, il me fallait un personnage plus positif, des yeux externes et à la fois quelqu’un de proche pour dérouler le fil.
En détail
« Les Fêlures »
Barbara Abel, (éd. Plon)
Cette fois, c’est (presque) vrai
« Et si c’était vrai »... Dans l’un de ses romans les plus célèbres et les plus lus à travers le monde, Marc Levy laissait planer le doute. Et c’était captivant. Cette fois, en 2022, le doute n’est plus vraiment de mise et son dernier livre ressemble à s’y méprendre à notre triste réalité. L’heure n’est plus aux rêves et on ne cauchemarde pas non plus : les démocraties sont en danger et, déjà, piétinées. Pour la troisième fois, l’auteur qu’on ne présente plus met en action sa bande de neuf hackers, justiciers masqués de notre ère, pour rétablir un semblant de paix. La Biélorussie est aux mains d’un autocrate — qui n’est pas sans rappeler les dictateurs de l’Est, Loukachenko et Poutine — qui perd les élections au profit d’une inconnue (une femme, ô sacrilège), mère de famille sans expérience politique. Forcément, il refuse la défaite. Forcément, elle est conduite à la frontière. Forcément, le pouvoir en place non démocratique exerce une pression sur elle. Le nouveau Levy est là... Et celui-ci est captivant de réalisme !
En détail
« Noa »
Marc Levy, (éd. Robert Laffont)
Le coin belge
Dans cette nouvelle aventure de la collection policière déjantée créée par l’écrivaine belge Nadine Monfils, Magritte et Georgette (son épouse) arpentent les rues de Liège pour résoudre une énigme : un pied de fillette portant un soulier doré a été pêché dans la Meuse. Un roman sucré comme un lacquemant, mais pas glauque, où l’on croise Nanesse et tout le folklore liégeois mais surtout l’enfant du pays, Simenon. Nadine Monfils fait se rencontrer le peintre surréaliste et l’auteur de polars et c’est l’œuvre de chacun qui, par touches dialoguées, est revisitée, avec humour, tendresse et un peu de dialecte.
En détail
« Les folles enquêtes de Magritte et Georgette ; Liège en eaux troubles »
Nadine Monfils, (éd. La bête noire Robert Laffont)
C'est pas du cinéma
On connaît tous Isabelle Carré, actrice multi-récompensée au cinéma et au théâtre pour son jeu emprunt d’une justesse très souvent bouleversante. On connaît un peu moins Isabelle Carré auteure, qui en est déjà à son 3e roman en quatre ans... Et quel roman ! Habituée à entrer dans la peau d’autres femmes, face aux caméras et au public, elle voudrait tenter l’aventure dans la vraie vie... et se laisse ainsi aller au « Jeu des si ». Un jeu d’enfant mais bien plus complexe et éreintant psychologiquement quand on est adulte. Que va-t-on chercher en empruntant l’identité de quelqu’un d’autre et, surtout, qu’y trouve-t-on au bout du compte ?
Avec les mots d’Élisabeth d’abord, qui choisit à sa descente d’avion de se faire passer pour Emma, elle abandonne tout — dont un mariage qui tarde trop à se concrétiser — pour l’inconnu, direction la campagne, les oiseaux et un poste inattendu de nounou. Mais la réalité, la pandémie, frappe de plein fouet l’auteure, Isabelle, stoppée net dans son récit. Elle fantasme alors sa propre vie. Et si, et si,... D’un supposé « il me trompe », elle rêve sa vie.
Les rêves éveillés, les divagations, que révèlent-ils de nous-mêmes ? Devons-nous un jour franchir le pas ? « J’aurais certainement tenté l’aventure, je l’aurais fait depuis longtemps, si j’avais eu une petite idée de la fin... » écrit Isabelle Carré. Dès les premières lignes, on la sait lectrice de Paul Auster. Et quelle belle inspiration ! Son roman, « Le jeu des si », enivrant et aux airs d’introspection, écrit d’une plume délicate, est tout simplement magnifi que.
En détail
« Le Jeu des si »
Isabelle Carré, (éd. Grasset)
Faut pas pousser mémé
Un défi , c’est ce que nous propose ce livre dès les premières pages, celui de dépasser les deux premiers chapitres, pour pouvoir pleinement s’embarquer dans ce périple qui changera notre vie, selon l’auteur. Chapitres au cours desquels nous découvrons mémé Maru, 90 ans se lançant dans un tour du Mexique à bicyclette, pour pouvoir retrouver son petit-fils dont elle vient d’apprendre l’existence. Son voyage est ponctué de rencontres, toutes plus hautes en couleurs les unes que les autres, d’humains en quête de sens, bien plus complexes et profonds que ne le laisserait penser le premier regard. Au fil de ses coups de pédales et d’étapes, mémé Maru partagera ses expériences et son optimise à chaque personne croisée, emplissant cet ouvrage de sensibilité.
En détail
« La mémé qui pédalait autour du monde »
Gabri Ródenas, (éd. Michel Lafon)
Villages de stars
Après avoir parcouru la France à bicyclette, Matthias Debureaux a recensé dans son « Guide mondain des villages de France » 500 localités prisées des célébrités.
Comment s’est concrétisé ce projet ?
Quand j’ai appris que Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie, avait entrepris un Tour de France à vélo, ça m’a donné envie de me lancer à mon tour. J’ai alors découvert que de nombreux villages, assez méconnus en France, avaient initié des grands courants artistiques ou bouleversé le destin de personnalités majeures du 20e siècle. J’ai observé et occulté chaque village à la loupe, puis j’ai listé toutes ces grandes personnalités. J’ai creusé leur biographie, leur parcours géographique, et j’ai remarqué qu’elles avaient toutes un lien avec un village français. Je voulais faire découvrir tous ces villages sous une autre facette. Je voulais sortir des clichés et des diktats, finalement un peu comme les magazines de mode qui présentaient à une époque toujours les mêmes physiques. Les villages qui, en apparence, ne sont pas photogéniques ou fascinants, regorgent de nombreuses surprises. J’ai choisi le vélo, mais on peut très bien les visiter en marchant ou en courant.
Vous pointez des philosophes, mais aussi des personnalités plus populaires comme Madonna ou Mick Jagger qui sont passés dans ces villages...
Il y a un mélange de glamour. Quand je discute avec la boulangère de Saint-Cosme-en-Varais, il est clair que Madonna possède un lien particulier avec le village. Mick Jagger s’est totalement intégré à Pocé-sur-Cisse, en Indre-et-Loire. Il fréquente notamment le bar local et le château de Fourchette est sa propriété depuis 1980. Quand j’y suis allé, j’ai eu un problème de vélo juste devant le château. Le jardinier m’a aidé et m’a dit que j’avais raté Mick Jagger à une semaine près. Il y a une vraie proximité avec lui et les habitants, contrairement à d’autres personnalités comme Brad Pitt que personne n’a vu dans le Luberon, dans le sud de la France.
Qu’est ce qui vous a le plus marqué ?
L’histoire poignante de Jean Gabin. Il méprisait la profession d’acteur et rêvait d’être paysan. Il s’est installé dans l’Eure-et-Loir, puis à Bonnefoi, en Normandie. Il n’a jamais réussi à être considéré comme un paysan authentique, au point qu’un jour les autres paysans du village ont encerclé sa propriété. Ils lui ont demandé de renoncer à ses terres. Les villages ne sont pas qu’un décor, il y a aussi quelque chose de plus profond et intime.
Certains villages sont-ils impénétrables ?
Oui comme celui de Vanessa Paradis et Johnny Depp. Ils ont acheté un hameau entier dans le Sud car ils ne voulaient pas se mêler à la population. Tout est fermé et extrêmement protégé.
En détail
« Guide mondain des villages de France »
Matthias Debureaux, (éd. Allary)
Voyage en terre intérieure
On le surnomme « le Mike Horn du développement personnel ». Là où l’explorateur vous emmène au bout du monde et de vous-même, Jonathan Lehmann — ancien loup de Wall Street qui a décidé de tracer, une fois ses 30 ans sonnés, un nouveau chemin de vie —, lui, vous pousse… au plus profond de vous-même. Oui, une exploration, mais de son « moi » profond, pour tenter de se libérer de cette part d’ombre qui nous empêche d’évoluer. Et c’est en tentant une énième fois l’expérience de l’ayahuasca (un rituel presque annuel pour lui), soit un breuvage thérapeutique d’Amazonie, que ce coach du bonheur, qui a inspiré une large communauté de followers, nous entraîne avec lui dans un voyage initiatique, ponctué de truculentes anecdotes (dans lesquelles beaucoup se reconnaîtront), dans la campagne allemande. Cette « retraite » en compagnie d’un chaman n’est jamais de tout repos. Au contraire, elle chamboule tout physiquement (le sommeil, l’estomac,…) mais surtout spirituellement. Jonathan, lui, en ressortira encore plus serein, heureux et débarrassé de ce qui pouvait encore l’encombrer.
En détail
« Journal intime d’un voyageur chamanique »
Jonathan Lehmann, (éd. Harper Collins)