L'interview sincérité de Roméo Elvis : « Je suis attendu au tournant et c’est normal »

Crédit photo : Artik Custom

Sincérité. Un mot parfois galvaudé par les artistes au moment d’évoquer leur nouveau projet musical. Le bruxellois Roméo Elvis, lui, sait pourquoi il l’emploie. Pas de posture, ses réponses sont franches et honnêtes, aucun sujet n’est tabou.

À l’occasion de la sortie de son (excellent) album «TPA», rencontre avec un artiste posé, homme marié, loin des clichés sur le monde du rap et qui confie avoir «beaucoup évolué ces deux dernières années».

Roméo, qu’est-ce qui fait la différence entre vous et les autres rappeurs?

Si je suis différent, je pense que c’est entre autres parce que je suis sincère et que je ne me prends pas trop au sérieux… En tout cas, j’essaie de rester sur ces bases-là. Le public a l’impression qu’il peut m’arrêter dans la rue, je suis accessible. Je pense que quand je me fais aborder, et que Damso se fait aborder, ce sont deux choses différentes. J’aime penser que les gens s’identifient facilement à moi, il y a comme un rapport familial. C’est ça le regard qu’on a sur moi. Il a changé avec le temps, parce que je suis devenu une célébrité, mais une célébrité à qui on a l’impression qu’on peut parler.

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Dans la chanson «Flanchin» vous dites: «l’amour de l’autre, c’est tout ce qui nous tiendra en vie. J’en ai bien assez, ça dépasse mes envies…». Trop d’amour du public, c’est quelque chose qui vous inquiète?

Je pense que les personnalités publiques ne font pas assez ce travail. C’est l’essence même de la célébrité en fait. On parle beaucoup des «haters», mais on est trop dans un discours à contre-sens, à dire: «il faut pas écouter les haters, ils ne te veulent que du mal». En réalité, le problème est plus grand que ça. Certes, le flux d’insultes, de reproches, de remarques qu’on peut te faire est insupportable et irraisonnable pour n’importe quel artiste. Mais l’amour qu’on reçoit n’a pas toujours de sens et n’est pas spécialement constructif parce que, parfois, il peut nous perdre. On peut passer des journées entières sur les réseaux sociaux en mettant de côté les commentaires haineux et en se focalisant sur les messages d’amour. On peut faire en sorte de se protéger mais du coup aussi de se retrouver dans un autre mensonge. Et je trouve que les artistes n’expriment pas assez leur expérience là-dessus parce que je crois que c’est difficile de dire «je suis trop aimé». C’est un peu ingrat. Ou alors les mecs ont trop pris la grosse tête depuis le temps et sont trop autocentrés parce que juste on leur dit toute la journée qu’ils déchirent. Alors que tous les humains sont des méga merdes, et même nous… Je le dis dans «Chaud»: avant de percer j’étais déjà une merde et maintenant je suis une super merde. Mais j’ai un peu appris à doser.

Et comment avez-vous appris à doser?

En prenant la pause du confinement, en arrêtant tout et en réfléchissant. Là, tu te rends compte que quelque chose s’est arrêté en même temps que le confinement. Et heureusement qu’il y a eu cet arrêt forcé. Quand on ne s’arrête pas, il y a de l’adrénaline, puis la chute d’endorphine, puis le «je sers à quoi?». Mais je sers à plein de trucs: je sais faire un potager maintenant, j’ai passé mon permis de conduire, je suis devenu un homme pour ma femme,…

Mais cette réflexion, vous l’avez aussi parce que vous connaissez la réalité des choses: vous travailliez dans un supermarché quand le succès a commencé…

C’est sûr. Le fait de m’être battu pendant des années, d’avoir franchi les étapes, même si je finis sur le pic de la montagne en termes de célébrités, ça viendra quand même d’une base saine qui a évolué étape par étape. J’ai fait toutes les petites scènes de Belgique, les bars, … J’ai bossé des années avant que ça ne prenne.

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Dans «3 cafés», vous dites: «je rappe toujours mieux que les ¾ d’une playlist». Ça veut dire qu’on devrait un peu faire le tri dans le rap et qu’il y a quelques usurpateurs parmi les nombreux rappeurs?

Le gros problème, je pense, c’est l’impact du capitalisme dans le rap. Les morceaux sont formatés de plus en plus, on essaie de passer en radio et donc on suit des codes, on vise l’efficacité. On fait de la musique comme on fait une vidéo TikTok. Du coup, il y a des mecs dans le rap qui viennent avec cet esprit business et je ne me reconnais pas là-dedans. Il y a une offre abondante aujourd’hui qui fait qu’il y a probablement des «fake» là-dedans. Mais le principal, c’est qu’il y a encore énormément de richesse dans le rap.

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C’est quoi le plus important pour vous aujourd’hui?

C’est bidon mais c’est d’être en accord avec tout ce que je fais, sincèrement.

Pourquoi avez-vous fait le choix d’aucun featuring sur cet album?

J’avais envie d’essayer cet exercice-là qui se prêtait bien au fait que j’ai coproduit tout l’album. Et je pense être attendu au tournant, sincèrement. Je pense qu’après ces deux années Covid, plus tout le reste, on m’attend et c’est normal. Et j’ai envie de montrer que je suis là et que je ne me cache pas. Je ne fais pas l’album avec d’autres, je ne me cache pas derrière d’autres pour revenir. Je suis au clair.

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Quand vous dites «tout le reste» (il a été accusé d’agression sexuelle en septembre 2020 par une jeune femme et s’est excusé publiquement, NdlR), avez-vous craint que cette affaire vous ostracise complètement, que votre carrière s’arrête là?

Forcément ça fait peur. Je pense que dans la vie, quand on est sincère et qu’on prend ses responsabilités, on avance, on assume, mais ça ne peut pas tout casser. Si j’étais parti dans une dynamique de nier etc, tout ça aurait été vraiment, vraiment triste. Il était nécessaire d’avoir à ce moment-là une prise de conscience, c’était ça le plus important. La justification, le contexte, ça me regarde, ça la regarde. Mais la responsabilité que j’ai en tant qu’individu, en tant que célébrité est importante. Ayant fait le travail nécessaire à ce niveau-là, je savais dans le fond que je n’allais pas être ostracisé, parce que j’ai assumé.

Cela veut dire que le monde du showbiz ne vous fait pas peur? Que vous ne craignez pas d’être un jour mis de côté?

Si, si…Le showbiz, le mainstream, c’est terrifiant.

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