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Rencontre avec Amel Bent : « J’ai peut-être commencé ma vie avec trop d’utopie ! »

Voilà 17 ans que sa « Philosophie  » est devenue celle d’une (voire de deux) générations. Toujours et encore, elle avance « le poing levé », pour « rassembler », dit-elle, sans faire de différence.

Même si elle a grandi aussi et a une « autre manière de voir la vie aujourd’hui ». Amel Bent, bientôt maman d’un troisième enfant, a repris le dessus sur certaines de ses anxiétés. Son dernier album est un succès et son titre, « Vivante », n’est certainement pas anodin : « Ça s’arrêtera quand je l’aurai décidé et pas parce qu’on va m’enterrer vivante ! », nous confie la chanteuse, généreuse et tellement vraie dans ses propos.

Amel, au-delà de la nouvelle génération qui vous suit aujourd’hui, vous avez toujours été, depuis vos débuts avec « Ma philosophie », un porte-voix de la cause « féminine »…

J’ai reçu en effet beaucoup de témoignages ces 17 dernières années qui m’ont rappelé à quel point mon combat à moi de femme était celui de millions d’autres et qu’à travers certaines chansons qui ont été des hymnes pour des associations de femmes, notamment « Ma philosophie » évidemment, je pouvais insuffler cette énergie, cette force, cet espoir pour les femmes de ma génération, et les prochaines. Mais je ne l’ai jamais fait avec militantisme, ni même en étant consciente que j’avais un combat à mener. Je l’ai portée en moi cette sororité avant même de savoir que le combat existait. Parce que j’ai été élevée par des femmes, que je me suis construite avec des femmes et que j’ai compté sur elles pour grandir, apprendre. Elles ont une place très importante dans ma construction psychologique. Je suis vraiment une femme qui a grandi parmi les femmes et je continue de m’élever grâce à elles. Et cela s’est retrouvé sans le chercher dans mes textes de chansons, parce que ça fait tout simplement partie de moi. J’en suis ravie, d’avoir été à un moment une voix pour les femmes, car aujourd’hui, ces combats quotidiens sont très importants.

Je voulais appartenir à tous, créer une chaîne humaine avec, aussi, des gens qui, comme moi, se sentiraient un peu différents. J’ai peut-être commencé ma vie avec trop d’utopie !

Quand vous avez débuté, aussi, l’artiste semblait davantage là pour divertir. Aujourd’hui, il prend une dimension encore plus sociale…

Ma première chanson, « Ma philosophie », elle a été tout de suite inscrite dans une dimension sociale. Je ne m’en rendais pas compte parce que je me chantais, moi. Je me chantais en tant que femme, que banlieusarde, qu’enfant d’immigrés… Il y avait toutes ces notions qui m’ont inscrite toute de suite dans une sorte d’écho sociétal. Je représentais en fait malgré moi des minorités et c’est pour ça que j’ai fait « Ma philosophie » à l’époque, parce que très vite j’ai senti que j’étais une minorité dans le paysage audiovisuel. J’ai eu besoin d’écrire cette chanson avec Diam’s pour tout de suite désamorcer et dire : « Ne pensez pas une seconde que je ne me rends pas compte que je suis un peu différente, que ça peut être une qualité comme un obstacle ». J’ai tout de suite eu besoin d’assumer ça, en disant : « Je voudrais comme vous m’en sortir, trouver ma place et on n’est pas si différent finalement ». En fait, dans le militantisme, ce qui peut parfois m’agacer, quand on est trop dans la combativité –mais il faut des gens qui militent– en tant qu’artiste, c’est qu’on risque de segmenter. Et là, on entre en total contradiction avec le but même de la musique qui est de rassembler, de fédérer. J’ai posé ce postulat mais en précisant que je voulais qu’on soit ensemble et pas en créant un clan. Je voulais appartenir à tous, créer une chaîne humaine avec aussi des gens qui, comme moi, se sentiraient un peu différents. J’ai peut-être commencé ma vie avec trop d’utopie en pensant au droit commun… (sourire)

Mais heureusement qu’il y a de l’utopie, non ?

Oui et à chaque fois que je monte sur scène, que je chante et que je regarde mon public, je vois des personnes de 6 à 80 ans, des femmes voilées, des homosexuels en couple, des noirs, des blancs … Je me dis : «Qu’est-ce qu’il est beau ce public ! Qu’est-ce que la musique est magique ! » Il y a très peu d’endroits où on peut voir ça. Ah si, les centres commerciaux (rires). Mais il n’y a qu’avec l’art qu’on peut rassembler des gens si différents, issus des minorités ou pas.

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Avez-vous l’impression que, ces derniers temps, on vous redécouvre ? Que certains avaient peut-être mis Amel de côté et y reviennent avec cet album « Vivante » où vous replantez le décor en disant qui vous êtes : « Des rêves, je ne pouvais pas m’en payer mille », chantez-vous…

Oui, cela faisait longtemps que je ne m’étais pas posée comme ça, en tant que chanteuse qui avait encore des choses à dire. Je ne me suis pas posé la question de « qui est mon public ? », « qu’est-ce qu’il a envie d’entendre ? »… Cette sensation, je ne l’avais eue que pour mon premier disque parce qu’alors je ne m’adressais à personne et à tout le monde à la fois ! (sourire) J’étais naïve et encore dans le flou. À un moment donné, je me suis tellement posé des questions sur ce que j’étais censée chanter, comment, pour qui, et j’y ai parfois répondu à tort toute seule. On commence alors à prendre en considération des trucs de maison de disques tels que « qui est ma cible ? », « si je fais ça, c’est pas du Amel Bent »… À un moment donné, on s’écoute trop, on n’est plus dans l’instinct, on n’est plus dans la musique qui est un truc de sensations et d’énergie. C’est ce que j’ai retrouvé maintenant, en sortant de mes sentiers battus. J’avais oublié que moi, j’avais changé, grandi. J’ai une autre manière de voir la vie, et c’est normal. J’y suis allée tête baissée pour ce disque. En vrai, j’ai vu que ma carrière stagnait depuis 2, 3 albums et, en retrouvant ici la sensation du premier disque, je me suis dit : « Finalement, est-ce que j’ai grand-chose à perdre aujourd’hui ? Est-ce que je n’ai pas plus à gagner, en étant libre plutôt que de me mettre toutes ces barrières ? » Cette liberté, elle commence avec « Vivante » et ce besoin de dire aux gens : « Les gars, on vient de loin et on est encore debout ». Et je me sens vivante parce que mon rêve est toujours intact.

Mais votre rêve a été écorché aussi. Quand vous êtes devenue maman, vous avez envisagé d’arrêter ce métier…

Oui. Mais ce n’est plus aujourd’hui une espèce de truc abstrait, de peur irrationnelle qu’un jour on ne m’aime plus, que je sois obligée d’arrêter parce qu’on ne veut plus de moi. J’ai un peu repris le dessus sur ça. Un peu comme au début où je me disais : « J’ai un rêve, je veux l’atteindre, je vais me battre. Et si un jour j’arrête, ce sera pour une raison et il n’y en a qu’une : mes bébés ». J’ai retrouvé un peu de cette insouciance en me disant que ça s’arrêtera quand je l’aurai décidé et pas parce qu’on va m’enterrer vivante ! Même si cette folie, on ne l’a qu’au début ! (rires)

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