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Rencontre avec le pilote Jacky Ickx : « Il n’y a pas de place dans la vie pour la nostalgie »

En avril dernier, sur le circuit Porsche de Franciacorta, près de Milan, Jacky Ickx a retrouvé la 956 avec laquelle il a gagné les 24 Heures du Mans pour la dernière fois (1982). Une occasion rêvée de rencontrer celui qui a remporté l’épreuve à 6 reprises…

Jacky, vous êtes sans doute l’un des pilotes les plus éclectiques que les sports mécaniques ont jamais connu. Vous êtes passé par la moto, les voitures de tourisme, la Formule 1, le Dakar, c’est pourtant l’endurance qui va asseoir définitivement votre réputation…

À la fin de ma carrière en F1, au cours de l’épisode Ligier, j’ai compris que je n’irais plus chercher le dixième qu’il fallait. Mon temps était passé en Formule 1, mais il y avait beaucoup d’autres opportunités dans le sport auto, dont l’endurance. Et je précise que, à mon époque, le mot endurance prenait tout son sens car, plus que les pilotes, il fallait vraiment ménager la monture. Au contraire d’aujourd’hui où les courses de 24 heures sont devenues de véritables sprints. C’est d’ailleurs pour ça, principalement, qu’on est passé à des équipages de 3 pilotes (contre 2 à l’époque, NdlR).

L’importance des ingénieurs et de l’équipe, vous en parlez souvent…

Parce qu’elle est déterminante. Toute l’équipe autour de vous, d’ailleurs, est capitale. Nous, les pilotes, on n’est que le sommet de l’iceberg, on capte la lumière et on prend toute la gloire, mais sans tous les autres, sans ces gars qui vivent la course autant que nous et nous la préparent, les pilotes ne peuvent rien faire. Dans le cas de la Porsche 956, Norbert Singer, un gars brillant et plein d’humilité, avait fait un travail d’orfèvre.

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Quelle est votre plus belle victoire au Mans?

C’est difficile de choisir. Bien sûr, la première est particulière, avec la Ford GT40, en 69, vu les circonstances, le départ sans courir, en prenant le temps de bien mettre mon harnais et la victoire avec à peine plus de 100 mètres d’avance. Mais la plus folle et incroyablement intense, c’est celle de 1977, quand je suis passé sur la voiture de Barth et Haywood alors que la voiture était loin au classement à cause de problèmes d’allumage. J’ai multiplié les (doubles) relais et, progressivement, on est remonté pour passer en tête. Ce jour-là, j’étais sur un nuage, tout était parfait. Je gagnais 5 places par heure. Je me souviens qu’on n’avait plus de compte-tours, tout se faisait à l’oreille. Au matin, on avait une belle avance, sauf que la voiture s’est mise à tourner sur 5 cylindres (au lieu de 6). Le pauvre Jurgen Barth, mon coéquipier, a eu la frousse de sa vie lors de la dernière heure de course, il se demandait à chaque tour s’il allait pouvoir terminer l’épreuve.

Il paraît que, chez vous, à Monaco, on ne trouve aucun de vos trophées ni autres souvenirs de courses...

Aucun, c’est vrai. Il ne faut pas vivre avec ses souvenirs, mais bien avec le présent et le futur. Il n’y a pas de place dans la vie pour la nostalgie. Les générations à venir seront heureuses, mais différemment.

Ceux qui vous connaissent bien disent que vous êtes aujourd’hui plus disponible, plus ouvert qu’auparavant, même après votre carrière de pilote...

Ils ont raison. Mais il faut dire que ma perspective est plus limitée qu’auparavant (sourire). Plus jeune, on n’est pas conscient de ça. C’est la préciosité du temps qui a changé. Il y a tant de gens qu’on a connus autour de nous et qui ne sont plus là…

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D’émouvantes retrouvailles

«Incroyable», nous lance Jacky en admirant la Porsche 956. «Pendant des années, elle est restée pendue au plafond du musée de Stuttgart. Ils l’ont décrochée pour moi et la voilà de nouveau sur un circuit. C’est formidable ! C’est ce qu’on peut appeler la providence. La vie, parfois, est pleine de choses improbables. Chez Porsche, on sait entretenir l’histoire !», dit-il avant d’interpeller le mécanicien: «Le siège est parfait. Je me demande même s’il ne s’agit pas du mien à l’époque ! Si je devais rouler aujourd’hui avec cette voiture, je ne changerais absolument rien à ma position de conduite». Il multipliera les tours en précisant qu’il n’ira plus jamais chercher le dernier carat : «Ça, c’est pour la jeunesse, quand on se croit immortel».

«Je suis fier de m’être parfois entraîné avec Eddy Merckx»

Eddy Merckx et Jacky Ickx restent des amis fidèles et sont régulièrement en contact. «Je ne roule plus à vélo aujourd’hui. Je crains un peu de tomber et… de me casser. Eddy, lui, fait encore de nombreuses sorties avec ses amis. Pour moi, Eddy reste le plus grand de tous. Quand j’y repense, je suis très fier d’avoir, dans les années 70, pu l’accompagner dans certaines de ses sessions d’entraînement. J’ai moi aussi été passionné par la petite reine. J’ai fait tous les cols des Alpes, des Pyrénées, des Dolomites…»

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