Rencontre avec Patrick Bruel : « Je préférerais parfois qu'on me connaisse un peu mieux »

Crédit photo : Tess Meurice 

Il dit que, parfois, il préférerait qu’on le connaisse un peu mieux. Serait-on un peu passé à côté du véritable Patrick Bruel pendant toutes ces années?

Et si c’est en chansons, et surtout dans son dernier (magnifique) album «Encore une fois» qu’il se raconte le mieux, il y a encore beaucoup de choses à découvrir sur lui, sur le petit garçon qui ne s’est pas trahi et qui continue de s’émerveiller…

Patrick, vous décrivez dans le titre «Pouce» cette sensation du «ça va trop vite», du hamster dans la roue. Vous avez souvent dû dire «stop» pour ne pas être malheureux?

C’est une sensation que j’ai pu avoir plusieurs fois. Bien sûr que quand tu reçois une telle déflagration à l’âge de 30 ans, avec tous les adjectifs, les superlatifs qui vont de «phénomène de société» jusqu’à «Bruelmania» avec tout ce que ça comporte de tourbillon, tu as envie de dire «Attendez, calmons le jeu un peu! Il ne faut pas que ça parte dans tous les sens». Mais surtout, je me suis dit qu’il fallait que je puisse avoir le temps de prendre un peu de recul, de prendre du plaisir surtout.

Et l’humilité doit, à un certain moment, prendre le pas sur l’ego?

C’est la lucidité qui doit prendre le pas sur le tourbillon. Je me le suis dit, bien sûr. Plusieurs fois dans les années 90 j’ai fermé la porte pour faire des chansons et revenir après.

Crédit photo : Tess Meurice 

Vous avez failli, parfois, perdre pied avec la réalité?

En fait, j’aurais pu perdre totalement pied avec la réalité quand est arrivé ce phénomène. Mais vu d’où je viens, vu mon éducation, vu mon parcours... Je viens des échecs. J’ai commencé à jouer aux échecs à 7 ans. Je me suis mis au poker parce qu’il y a eu les échecs avant. C’est toujours de l’analytique, c’est avoir plusieurs coups d’avance. Quoi qu’il me soit arrivé dans ma vie, j’ai toujours vu plusieurs coups à l’avance, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, c’est que ça m’a permis de tout de suite voir que je ne devais pas me laisser enfermer dans une spirale dont le caractère sociologique écrasait complètement l’artistique. Donc, j’ai réfléchi, analysé. Mais quand tu réfléchis, tu ne profites pas du moment présent et ça, c’est le pire.

(...)

Vous avez toujours gardé une part de mystère, même si on apprend à vous connaître à travers vos chansons. Ça a toujours été important pour vous de ne pas tout dévoiler?

En fait, je n’ai pas cultivé ça. J’en ai même un peu souffert, pour te dire la vérité. Je préférerais, parfois, qu’on me connaisse un peu mieux. Ces derniers temps, j’ai la sensation que beaucoup de gens font connaissance avec moi, un peu plus… Il peut y avoir une perception de moi pas forcément juste.

Il y a pas mal de gens qui me croisent et qui sont agréablement surpris. Cet «agréablement», il est toujours très bizarre à vivre

Qui est?

Je ne sais pas… Il y a pas mal de gens qui me croisent et qui sont agréablement surpris. Cet «agréablement», il est toujours très bizarre à vivre. Qu’est-ce que je trimballe? J’ai une frustration. Et si je devais changer une chose, je sais ce que je ferais: j’aimerais mettre en avant tout un tas de chansons à moi que les gens ne connaissent pas et qui sont mon meilleur ambassadeur. Parce que les chansons que la majorité des gens connaissent de moi ce sont celles qui passent à la radio. Mais pas le reste, la quintessence des albums qui me décrit vraiment. Le grand public ou les observateurs, qui n’ont pas été attirés par toutes ces chansons-là, n’ont pas cherché à aller plus loin et, quand ils me rencontrent, se disent qu’il y a un décalage. Les fans, eux, savent ça. C’est pour ça que le public reste, parce qu’il va dans la profondeur.

Crédit photo : Tess Meurice 

L’adresse belge de Patrick

Le musée Magritte (Pl. Royale 1, 1000 Bruxelles)

«J’y ai passé un moment comme je devrais en passer plus. Prendre le temps de regarder, de se projeter et de voir à quel point ça me raconte des choses. En voyant la pochette de l’album, ma mère et mon frère m’ont dit ‘il y a un côté Magritte’. Moi je n’y avais pas pensé, même si j’ai toujours beaucoup aimé Magritte, pour tout ce que ça représente. Ce qui est impressionnant, c’est tout l’éventail chez lui, des impressionnistes à l’abstraction, il ouvre l’hyperréalisme américain… c’est vertigineux! On va retourner dans ce musée car j’aime bien rester longtemps devant un tableau. Je préfère voir peu et rester longtemps devant un tableau que de parcourir en courant un musée en disant ‘Allez, c’est bon, j’ai tout fait!’».

En détail

Album «Encore une fois» (Sony).

À écouter d’urgence, les pépites pleines de sens: «Pouce», «On en parle» et «Dernier verre, premier café», écrit par Hoshi.

Écoutez le live «100% Bruel» ce dimanche à 9h sur BelRTL.

Séance photos avec l’aimable autorisation de Charly Herscovici, Fondation Magritte.

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