Ses souffrances d’adolescent harcelé, stigmatisé, il les a vues ressurgir récemment parce qu’«être dans la lumière, c’est aussi être une cible», dit-il.
La notoriété ne soigne pas ça, Christophe Willem l’a bien compris. Il revient plus solide que jamais, plus franc aussi, avec son meilleur album, «Panorama». Le début d’une nouvelle vie...
Christophe, ce nouvel album, au ton cash, juste, est né dans votre chambre d’ado…
Je sortais d’une tournée qui avait un peu compensé la difficulté à porter mon précédent album («Rio») à bout de bras, tout seul. Et donc, à la fin de cette tournée, j’ai eu besoin de me poser un peu. Vraiment, il le fallait. J’avais besoin de remettre un peu de sens dans tout ça, parce que mon métier avait pris trop de place sur la passion. Et à ce moment-là, le confinement est arrivé. Un arrêt contraint et forcé et en même temps qui a été hyper salutaire. Je me suis retrouvé dans ma chambre d’ado, chez mes parents, qui était restée intacte. Dans cette chambre, je n’étais plus du tout le chanteur, mais j’étais redevenu le garçon de la maison. Je vivais presque comme quand j’étais petit. Et ça m’a fait beaucoup de bien. Très vite, j’ai eu envie d’écrire ce que j’avais sur le cœur, dans un carnet, comme un journal intime…
À ce moment-là, c’est Christophe l’ado ou le trentenaire qui écrivait?
Un peu les deux. C’était un peu l’ado en moi, blessé, malmené, qui avait été réveillé par l’échec de son album. Quand je parle d’échec, commercialement parlant, ce n’était pas dramatique, je n’ai pas vendu que deux disques. Mais moi, je l’ai vraiment senti comme un abandon du public, de la maison de disques et des médias. Ce que j’ai ressenti, c’est que je n’étais plus le bienvenu.
Comme un rejet, qui vous a ramené à votre adolescence…
Complètement. C’était ça que ça a réveillé, mes blessures d’adolescent que je pensais complètement pansées... mais pas du tout en fait. Quand j’ai fait «Nouvelle Star», du début de ma carrière jusqu’à l’album «Rio», j’ai été très porté par le public et les médias qui ont toujours été bienveillants. Grâce à ça, je pensais avoir totalement guéri ces blessures d’ado. Et en fait, je me suis rendu compte que j’avais été très dépendant du regard des autres et que ce regard des autres, je ne le prenais pas pour ce qu’il était, mais pour un substitut, un manque d’amour propre.
Quand vous vous rendez compte de ça, que faites-vous?
C’était en 2018, et je suis allé chez le psy. Pour moi, il y avait deux options. C’était soit, une bonne fois pour toutes, on affronte les fantômes du passé et toutes ces choses qui étaient pesantes. Soit, on ne peut plus faire ce métier. C’était vraiment ces deux extrêmités-là.
La vie est suffisamment compliquée que pour, en plus, aimer se malmener!
Donc clairement, vous avez envisagé d’arrêter votre métier?
Oui. Il est arrivé un moment où je me suis demandé pourquoi je faisais ce métier. «Est-ce que j’ai besoin de soigner un ego ou un truc?» Au contraire, je n’avais pas assez d’amour propre ou d’ego pour affronter les choses difficiles qui se présentaient. Je n’avais pas la réponse. Mais n’étant pas solide, je ne me voyais pas représenter un nouvel album et revivre cette sensation que j’ai eue sur l’album précédent. À un moment, je ne suis pas non plus sado maso! (sourire) La vie est suffisamment compliquée que pour, en plus, aimer se malmener!
Et avez-vous la réponse aujourd’hui: pourquoi faites-vous ce métier?
Je le dis souvent mais je fais ce métier par accident. Je chantais dans une chorale et quelqu’un est venu pour un casting sauvage, pour un film, et a insisté. J’avais 18 ans et je me suis retrouvé là par pur hasard. J’ai ensuite fait une maquette, mais je n’étais pas convaincu et j’ai repris l’université directement. Après, ma sœur m’a inscrit à la «Nouvelle Star». Pour moi, ça a été toujours un amusement.
Il n’y avait pas cette ambition de réussir dans la chanson?
Non parce que j’étais tellement dans une logique du fantasme, de quelque chose de fondamentalement inaccessible. C’était inaccessible parce que déjà, moi, jamais de la vie je n’allais vouloir m’exposer! Vu que j’avais passé le plus clair de mon adolescence à longer les murs pour ne pas me faire tabasser dans une cour d’école…
Vous vous êtes fait tabasser?
Oui. J’étais très stigmatisé, j’étais le mec efféminé avec une voix aiguë. On m’a collé une étiquette alors que j’étais au collège et qu’à douze ans tu n’as pas de sexualité. C’est très violent quand tu subis ça, tu ne peux pas te construire. Et j’ai pensé à un moment que la notoriété avait guéri ça, mais pas du tout. Ça soutenait quelque chose qui n’existait pas.