Dans le tumulte de nos existences, nous sommes confrontés à des choix.
Un chemin est à prendre, en opposition à un autre. Cette décision changera radicalement le cours de notre vie. Choisir une nouvelle voie, c’est aussi accepter de renoncer à tout ce qui était possible ailleurs, et se confronter à un inconnnu parfois insécurisant, fort en promesses mais demeurant dans le domaine strict de l’hypothétique. Lorsque la vie nous demande de choisir, nous ne pouvons plus reculer. Nous sommes face au mur. Et dans ces tranches de vies marquantes, il importe d’être bien entouré, non-jugé et libre de nos choix. Que certains les estiment être de mauvais ou de bons choix, la décision reste la nôtre.
Aurélie est une jeune femme de 30 ans. Elle me consulte car sa vie actuelle la confronte à un «terrible» choix. À peine installée dans mon canapé vert, elle éclate en sanglots: une explosion émotionnelle impressionnante liée à l’accumulation des dernières semaines. Le robinet des émotions est grand ouvert. Mariée à Hugo qu’elle connaît depuis ses 15 ans et qui fut son premier amour, l’évidence de cette relation inscrite au départ dans la durée a laissé la place, il y a peu, au chaos. À un chaos intense qui ébranle tous ses repères.
David, le collègue d’Aurélie, dont elle partage le bureau depuis quatre ans, lui a récemment avoué ses sentiments amoureux. Aveu facilité par le contexte festif et alcoolisé du drink de départ d’un collaborateur. Indifférente sur le moment, Aurélie s’est tout à coup sentie submergée par un sentiment d’amour réciproque pour son collègue. À la maison, l’ambiance est devenue tendue avec Hugo, lequel, alerté par l’agressivité et la prise de distance soudaines d’Aurélie, a rapidement compris que quelque chose de leur histoire d’amour était en train de se jouer.
Nos inconscients se parlent. Le couple a décidé de se séparer momentanément avant de prendre une décision définitive. Décision ultime attendue essentiellement de la part d’Aurélie: Hugo est prêt à passer l’éponge sur cette incartade et attend le retour de sa dulcinée. Aurélie m’avoue qu’elle n’est pas heureuse avec Hugo, avec lequel elle est tombée dans une routine lassante, surtout depuis la décision de construire leur maison. Ce projet d’envergure nécessite une présence fréquente d’Hugo sur le chantier et de nécessaires privations afin de rembourser l’énorme emprunt contracté pour la construction de la maison de leurs rêves qui semble incarner celle de leur cauchemar. Je fais remarquer à Aurélie qu’entre être malheureux avec quelqu’un et demeurer dans une routine pesante, il y a une différence abyssale. Les routines font partie intégrantes d’un couple et sont nécessaires à son bon fonctionnement, à sa sécurisation et à sa projection dans l’avenir. Dans ces routines, il faut aussi pouvoir insuffler de la magie, en la brisant de temps à autre, et en investissant de l’énergie dans son couple, aussi en évitant cette posture attentiste envers l’autre sans passer au dialogue.
Le couple, c’est d’abord une dynamique qui se nourrit d’énergie d’investissement et de vicissitudes. Le quotidien est traversé de hauts et de bas: c’est souvent dans les «bas» que la réelle essence du couple va se manifester, que les plus beaux et les plus authentiques des sentiments auront la chance de se déployer dans un bel élan de vulnérabilité. Pour Aurélie, renoncer à son mariage avec Hugo, c’est renoncer à Hugo, mais aussi, à tout ce qu’ils ont construit en 15 ans de relation. C’est accepter de se lancer dans l’inconnu sans aucune garantie que, d’ici quelques années, la routine ne s’instaure dans l’hypothétique couple formé avec David. Aurélie aurait à évoluer dans sa conception du couple et de son fonctionnement. Un couple se nourrit et se construit au quotidien: l’ennui et les épreuves font partie intégrante de son histoire singulière.