Mbo Mpenza, le foot pour s’intégrer : «Il faut avoir subi la discrimination pour savoir ce que c’est»

Crédit photo : Tess Meurice

Des années après avoir rangé le ballon, il est remonté sur le terrain. Pas pour marquer des goals, comme il le faisait pour Anderlecht, Mouscron, le Standard ou encore les Diables, mais pour marquer des points contre la discrimination, auprès des jeunes. 

Mbo Mpenza lançait donc il y a 5 ans son Challenge pour aider à l’intégration par le biais du foot, lui le «pur produit du sport», dit-il. Victime de racisme à ses débuts professionnels, dans la rue et devant les caméras —«j'ai fait avec pour montrer qu'ils ne m'atteindront pas», confie-t-il—, il est soucieux aujourd’hui qu’on ne ramène pas la discrimination à une seule question de couleur de peau.

Vous en êtes à la 5e édition du Mbo Mpenza Challenge, qui lutte, par le biais du foot chez les enfants, contre la discrimination. Cette aventure fait résonner quelque chose de très personnel en vous…

Oui, c’est l’histoire de ma vie en fait. Je suis arrivé en Belgique à l’âge de 3 mois et je n’avais pas la même couleur que ceux qui habitaient en Belgique. J’étais le 4e enfant d’une famille qui allait en compter 5, avec l’arrivée d’Emile. J’ai dû m’intégrer, ce qui est logique. On est venu ici parce que mon père venait terminer un doctorat en pharmacie à Bruxelles. On devait normalement rentrer, mais mon père a eu une pharmacie et on est resté. Mon plus grand frère, lui, avait une très grave maladie au niveau des rhumatismes, je l’ai toujours connu, petit, en fauteuil roulant. Aujourd’hui, il marche. Et c’est donc aussi pour ça que ce challenge est important pour l’intégration de tous, au niveau du handisport aussi.

Au premier ballon que j’ai touché, ça a été un désastre: j’ai entendu des cris de singe dans le stade

Quand vous parlez de discrimination, il n’est pas uniquement question de couleur de peau…

Je suis contre le fait qu’on ne parle que de la couleur de peau comme discrimination. Ce geste du genou posé au sol (un geste contre le racisme adopté dans le monde, associé au mouvement «Black Lives Matter», NdlR), c’est génial, mais c’est créer une séparation, une division, comme si seule la vie des Noirs comptait. Ce mouvement est très important, je ne dirai jamais le contraire, mais il n’y a pas que ça comme discrimination. Il y a la religion, l’apparence physique, …

Votre intégration à vous, elle ne s’est pas toujours bien déroulée?

Tout petit, à Woluwe, on jouait dans la rue et tout rêve de gosse à cet âge est de fouler une pelouse de 1ère division. Moi, j’ai eu la chance de pouvoir le faire à 17 ans, à Courtrai. Mon rêve était atteint mais, au premier ballon que j’ai touché, ça a été un désastre: j’ai entendu des cris de singe dans le stade. Ce match-là était tellement bizarre. C’est ce qui m’a donné aussi la force de me dire: «soit tu abandonnes et tu les laisses gagner, soit tu fais avec pour montrer qu’ils ne t’atteindront pas»

Mais intérieurement, vous étiez atteint?

Oui, ce qui se passe alors est très compliqué. Mais mon but était de m’amuser, de jouer au foot. C’est ce que je me disais dans ma tête. Et, pour ça, je devais faire abstraction du reste, sinon, c’était leur donner satisfaction et la victoire… et moi, je déteste perdre! Jamais je ne voudrais perdre face à des gens pareils. Parce que tu es différent tu devrais perdre? C’est ce qui donne aussi la force à un sportif de haut niveau.

Crédit photo : Tess Meurice

Comment est née l’idée de votre Challenge?

Après l’arrêt de ma carrière, je ne savais pas ce que je voulais faire. La télé me demandait de faire consultant, le club d’Anderlecht et des agents me demandaient de bosser avec eux mais ce n’était pas pour moi. Au même moment, l’UEFA a créé un projet de Master pour anciens joueurs. Mon profil les intéressait et c’est pendant ces cours-là que l’idée du Challenge m’est venue. Je voulais rendre à la société ce qu’elle m’a donné. Et pouvoir utiliser le sport comme moyen d’intégration et d’éducation. Je dis aux enfants: «je suis un pur produit du sport et c’est grâce au sport que j’ai pu m’intégrer». Le sport m’a permis énormément de choses, notamment de défendre un pays.

Concrètement, comment explique-t-on la discrimination à des enfants de 11 ans?

Pendant le Challenge, on fait un atelier avec ballon, et un autre atelier «discussion». Quand on demande aux enfants ce qu’est la discrimination, ils ne savent pas. On prend alors un exemple concret, comme le cas d’un enfant présent qui porte des lunettes, et qui raconte qu’à cause de ça, on le traite d’intello. Là, on est dans un cas de discrimination parce que ça fait mal à l’enfant et on explique comment réagir face à ça. Ensuite, moi, j’explique la discrimination que j’ai subie.

Comment avez vous parlé de discrimination à vos enfants?

Tu vas comprendre tout de suite: quand mes enfants sont en Afrique, ils sont considérés comme des Blancs. Quand ils sont ici, ils sont considérés comme des Noirs, vu qu’ils sont métissés, mon épouse étant blanche.

Crédit photo : Tess Meurice

Est-ce que c’est plus dur pour eux aujourd’hui que ça ne l’était pour vous à l’époque?

Dur, ça l’est. Plus, non. Il faut avoir subi pour comprendre ce que c’est. Le racisme, je l’ai connu dans la rue, devant les caméras, dans un stade et ça fait toujours aussi mal. Il y a 5 ou 6 ans, on m’a encore dit: «retourne dans ton pays!». Si je n’avais pas été sportif de haut niveau, je crois que je lui aurais sauté dessus… mais j’ai su garder mon calme!

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