Jeune, il lui fallait être un «bon petit soldat». Ensuite, mannequin, on lui a imposé une certaine quête de perfection physique. Ce n’est qu’une fois devenue actrice que l’internationale Diane Kruger –oui, parfaitement belle et brillante à la fois - a enfin pu montrer ses failles, nous confie-t-elle à l’heure de la sortie de son nouveau film, «Visions».
Diane, «Visions» est un film de peu de mots. Est-ce qu’on peut raconter bien plus à travers un regard, à travers le silence, qu’en paroles?
Oui, mais c’est aussi un film de metteur en scène et, ici, c’est la caméra qui raconte beaucoup. En fait, il faut doser quand il n’y a pas trop de mots…
C’est plus difficile?
C’est un autre travail. Il faut être bien dans son corps, ne pas avoir peur d’être seule. Parce que c’est rare de se retrouver vraiment seule devant la caméra et là, c’était des semaines et des semaines, parfois en maillot de bain. Il faut être bien centrée.
À travers ce rôle-ci d’Estelle, très psychologique, en avez-vous appris davantage sur vous-même?
Peut-être… Je n’arrive pas à l’aborder aussi précisément. Après, j’aime beaucoup ce genre de personnages, j’en ai joué plusieurs dans ma carrière d’ailleurs, qui sont en apparence peu lisibles pour finalement dévoiler des côtés sombres. Et dans la vie, c’est souvent comme ça: on a l’impression que les gens qu’on rencontre –ou qu’on voit sur Instagram– sont bien, sont heureux. Mais l’image qu’on renvoie est différente de ce qu’on vit réellement. Et j’aime bien aussi, dans le cas de ce personnage, qu’elle bascule complètement pour l’amour, pour une passion. C’est ce côté-là que je trouve le plus intéressant, parce que j’ai l’impression que ça nous arrive tous.
Est-ce que le premier amour rend souvent obsessionnel?
Je pense que quand on a 18 ans, tout est tellement plus dramatique et nouveau…
Mais est-ce qu’on oublie un premier amour?
Je ne crois pas. Moi pas en tout cas. Le premier amour restera pour toujours…
Votre personnage ressent un manque. À 40 ans, elle a du mal à tomber enceinte. C’est un vrai sujet aujourd’hui…
Oui, aujourd’hui, heureusement et malheureusement, c’est un vrai sujet parce que les femmes repoussent et repoussent encore l’arrivée d’un enfant – ben comme moi d’ailleurs. Mais parfois, malheureusement, c’est trop tard. Le corps n’a pas suivi l’évolution féminine.
Avant de basculer dans l’irrationnel, Estelle se présente comme quelqu’un d’extrêmement discipliné. C’est votre cas?
Je peux être disciplinée mais plus je vieillis, plus ça s’en va. Au début, j’ai tellement été impressionnée par ce travail et la possibilité d’en faire ma vie de femme que je ne voulais pas le lâcher. Donc, je m’imposais un rythme très soutenu, j’allais de tournage en tournage, j’avais peur de louper une opportunité. Aujourd’hui, moins en fait. Je me suis aperçue, au bout de 10 ans de carrière, que finalement le plus beau rôle de ma vie ce sera ma vie, la vraie vie et pas dans les films. Ça a changé quelque chose pour moi. J’aime toujours autant travailler mais déjà depuis que j’ai eu ma fille je le fais moins, et quand je le fais c’est plus réfléchi, ça me donne encore plus de plaisir parce que c’est une vraie volonté. Mais la discipline, oui, j’ai quand même ça en moi.