Rencontre avec Yann Arthus-Bertrand: «Cette espèce d’indifférence générale me blesse»

Sebastien Biet

Il est un grand nom de l’environnement. L’un des premiers, à travers ses photographies aériennes, à avoir sensibilisé le grand public à la beauté et la fragilité de notre planète, et des espèces qui l’habitent. Mais de passage à Bruxelles, Yann Arthus-Bertrand nous confie, au cours d’un long échange où on le sent tour à tour désabusé, ému mais toujours engagé, que la beauté, il la cherche et la trouve désormais ailleurs: auprès des gens, dans le regard de ceux qui aident les autres.

C’est au milieu des statues animalières (l’exposition Fragiles Colosses qui prend place au Steigenberger Icon Wiltcher’s de Bruxelles) réalisées par son ami sculpteur Michel Bassompierre que Yann Arthus-Bertrand se pose. D’ailleurs, nous dit-il avant la projection de son film «Vivant», il aimerait pouvoir installer à l’entrée de sa fondation, GoodPlanet, une de ces œuvres, un ours, histoire d’être beaucoup plus identifiable. Car «aujourd’hui», nous dit-il «j’ai un vrai problème avec ma fondation, on a beaucoup de mal à vivre. On n’a pas assez de monde, l’entrée est gratuite mais je pensais que les gens, un peu comme dans les musées en Angleterre, allaient payer en partant. Mais non. C’est comme ça... Et en même temps, quand tu fais le métier que je fais, tu es toujours mendiant professionnel», sourit Yann Arthus-Bertrand.

Est-ce que cela vous rend désabusé ?

Il y a des moments où j’en ai marre. D’autres où je me dis que c’est moi qui l’ai choisi. Même pour faire des films, on est toujours à se battre pour trouver les moyens. Je fais beaucoup de choses, alors j’en fais sans doute trop, mais j’adore faire ça donc je ne me plaindrai pas.

On parle d’art avec ces sculptures mais aussi de photographies, d’images à travers lesquelles on vous a découvert. Pourquoi la beauté a-t-elle toujours été au cœur de votre travail ?

J’ai toujours été obsédé par la beauté. Sans doute qu’elle t’aide à mieux vivre. Pour moi, c’est important de vivre dans un endroit beau, pas abîmé. J’ai été à la recherche de la beauté toute ma vie et aujourd’hui, je me rends compte que la beauté ce n’est pas les plus belles forêts, les plus beaux animaux, les plus belles villes, les plus belles plages,... Mais ce sont les gens, ceux qui font des choses pour les autres, qui s’engagent. La beauté des gens, aujourd’hui, me touche beaucoup plus. Et ce qui se passe à Gaza ou en Ukraine, ça me blesse, je ressens ça terriblement. Le vrai problème de l’humanité ce n’est pas le changement climatique, mais c’est «va-t-on arriver à comprendre que notre façon de vivre au quotidien est en train de détruire la vie sur terre ?».

Ce que vous dites aujourd’hui, vous ne le pensiez pas forcément il y a 30 ans ?

Non. Parce que je suis devenu un activiste depuis «La Terre vue du ciel» et je côtoie énormément de gens qui font pour les autres. Et je dois reconnaître que dans ma fin de vie, je m’accroche beaucoup à ça. La vraie beauté est là et elle s’appelle l’Amour. Pour moi, l’Amour est beaucoup plus important que la beauté. C’est le mot clé aujourd’hui: est-ce qu’on aime assez la vie, nos enfants, nos petits-enfants pour faire ce qu’on fait à la vie autour de nous? Je viens de faire un film, «France une histoire d’amour» qui sortira bientôt au cinéma (il prépare également un film sur les migrants, NdlR) où je suis allé à la rencontre de gens qui font des choses pour les autres. Il y a beaucoup d’utopie et j’ai envie de montrer ça. Et de dire que ce qui se passe dans le monde aujourd’hui, c’est le contraire de ce que je voudrais voir. Mais ça ne m’empêche pas de croire… Quand on parle d’environnement aujourd’hui, on parle de quoi dans le fond? Le GIEC nous parle de la fin du monde, c’est inouï, on est en train de vivre la fin de l’humanité. Mais quand on voit la Cop, on voit que les gens n’ont pas compris, n’ont pas réalisé. Cette espèce d’indifférence générale à tout ça me blesse. J’ai la chance incroyable de faire des films, je ne peux pas me permettre d’arrêter. Qu’est-ce que je ferais d’autre? En Afrique, on dit que ça ne sert à rien de pleurer dans son coin…

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