La chronique d’Audrey Van Ouytsel, docteur en Sociologie : « Des bisous, des bisous, des bisous »

Avez-vous succombé à l’acquisition d’un accessoire de mode ou d’un objet à l’effigie des mots « bisous » ou « amour » ? Force est de constater que tout le monde s’y met : des grandes enseignes internationales aux créateurs en vue. Et ça marche plutôt bien ! On vous en fait un décryptage psychosociologique ...

Manon, trentenaire et spontanée, travaillant dans le social explique que la simple vue du mot « amour » ou « bisous » sur un objet suscite chez elle un ressenti de profonde tendresse : « lire le mot bisous me donne envie d’en donner et d’en recevoir ». L’industrie de la mode et des goodies l’a parfaitement bien compris ! Et Manon explique, « quand je porte ce t-shirt bisous, je veux véhiculer un message plein d’amour et de légèreté. La vie n’est pas facile, les gens deviennent sinistres. Mon t-shirt fait souvent sourire ».

Le succès de cette tendance s’explique par le besoin d’un retour à une tendresse et à une légèreté mises de côté. À un besoin de retour à une forme de candeur de l’enfance.

Notre rapport aux affects et nos façons d’exprimer notre attachement aux autres varient en fonction des époques, des cultures et des contextes sociaux. À ce sujet, la crise sanitaire de 2020 fait partie des événements traumatiques qui ont bouleversé nos vies. La crise du Covid-19 a considérablement contraint nos échanges avec les autres. L’obligation de porter le masque, l’adoption de gestes barrières, de garder des distances nous ont privés d’un besoin vital : celui d’entretenir nos liens sociaux et affectifs et de ressentir la chaleur humaine d’une proximité corporelle.

Le succès de la tendance des accessoires estampillés « bisous » s’explique par le besoin d’un retour à une forme de candeur

Durant la pandémie, nous avons été rationnés socialement et affectivement. Avec les dégâts que cela a pu occasionner chez les jeunes qui ont, pour certains, vécu la dépression et la perte de motivation, et chez les personnes âgées. Contraintes à l’isolement social et privées des échanges et des étreintes avec leurs proches, beaucoup de personnes âgées ont été atteintes par le syndrome de glissement. C’est se laisser « glisser » doucement vers la mort (notamment en refusant de s’alimenter), par manque d’attention et d’affection.

Petits, moyens ou grands, nous avons tous besoin d’être cajolés. Les bisous ont des effets plus que bénéfiques sur la santé physique et psychique : ils produisent les hormones de l’attachement, du plaisir et de la détente telles que l’ocytocyne et l’endorphine, qui confèrent bien-être et apaisement. Au sein du couple, dans la famille, avec des amis, le bisou dans toutes ses déclinaisons demeure l’expression de notre attachement à l’autre.

La tendance du marketing du bisou, si elle poursuit aussi une finalité commerciale, présente l’avantage de nous rappeler l’importance de la tendresse auprès des mammifères évolués que nous sommes Et c’est plutôt positif.