La chronique d’Audrey Van Ouytsel, docteur en Sociologie : « À fleur de peau »

Léonie a 40 ans. Elle travaille dans le social et semble y trouver sa place et du sens. Elle se définit comme une hypersensible.

Léonie ressent tout intensément. Quand elle rit, elle rit fort. Quand elle est joyeuse, elle déborde de joie. Quand elle est triste, elle est dévastée par le chagrin. Longtemps décriée et pointée comme une tare ou une faiblesse au sein de la société qui considère l’expression des émotions comme inappropriée, l’hypersensibilité devient depuis quelques années le terrain d’investigation privilégié du développement personnel. Les écrits sur le sujet se multiplient. Des tests proposent de savoir si nous faisons partie ou pas de cette catégorie d’individus singuliers.

Depuis sa petite enfance, Léonie s’est sentie différente. Des rentrées scolaires passées à pleurer dans le manteau de sa maman à en respirer l’odeur de laine mouillée aux jubilations de joie face à des événements que d’autres considèrent comme quelconques. Mais qu’est-ce que l’hypersensibilité? Son origine est multifactorielle. Pour certains il s’agit d’une configuration particulière du cerveau de naissance, pour d’autres les conséquences d’un vécu traumatique. L’hypersensibilité, c’est une façon d’être au monde qui décuple autant les émotions que les sensations.

Ce vécu différencié des événements peut générer un sentiment de différence et de solitude par rapport aux personnes qui nous entourent. Les sensations, à savoir les cinq sens, sont aussi exacerbées: déjà enfant, Léonie se sentait mal lorsqu’elle sentait certaines odeurs, tandis que d’autres avaient le pouvoir de la réconforter, comme le parfum de sa maman sur son doudou. Les sons aussi. Certaines mélodies avaient plus de pouvoir que d’autres. Quant au toucher, elle ne supportait pas certaines matières sur sa peau et détestait les étiquettes dans le cou qui lui donnaient de l’eczéma.

Ce qui s’avère extrêmement positif dans cette valorisation de la personnalité hypersensible, c’est que l’expression des émotions est moins stigmatisée qu’il y a 30 ans. Léonie se souvient encore de ses bulletins scolaires annotés de «calme ton sentimentalisme si tu veux réussir», lesquels, associés à un contexte familial peu enclin à l’autorisation à exprimer les émotions, ont contribué à l’émergence d’une faible estime d’elle-même.

Ceci fait désormais partie du passé: accompagnée par un thérapeute bienveillant, Léonie a aujourd’hui compris la richesse de sa personnalité et les besoins qui y sont associés. Elle a aussi appris à cultiver les relations qui lui font du bien. Être un(e) hypersensible, c’est avoir cette merveilleuse capacité de se laisser vibrer au gré des petits bonheurs du quotidien: une odeur de pain grillé, un doux chandail. C’est pouvoir ressentir aussi les émotions de l’autre et de l’empathie envers autrui. C’est aussi être doté d’une belle créativité. Beaucoup d’hypersensibles optent pour des choix de carrière ou artistiques ou tournés vers l’autre. Comme les hypersensibles sont naturellement empathiques, il s’avère essentiel d’apprendre à se protéger et a poser de saines limites dans leurs relations aux autres. Et aussi se réserver des moments de solitude et de repos afin de se ressourcer. L’hypersensibililité fatigue étant donné l’effervescence permanente des cinq sens qui l’accompagne.

Vous vous reconnaissez dans le portrait de Léonie? Apprenez à apprécier ce cadeau de l’existence qu’est votre hypersensibilité! Loin d’être une fragilité à colmater, elle nous connecte à l’authenticité de l’âme. Elle se célèbre. Elle offre la possibilité de créer des liens forts et sincères avec les autres. Elle se savoure et elle se vit!