Frédérique Bel, un esprit libre dans une maison bulles : « On me dit que j’en fais des caisses… et j’adore ça ! »

Crédit photo : William Beaucardet

Bien plus qu’une «Minute blonde», une longue conversation avec une brune qui a décidé de vivre très librement. Des limites, Frédérique Bel n’en a pas. Et la conformité, ce n’est pas son truc non plus. Ce qui n’empêche pas l’actrice, star du tapis rouge à Cannes et orfèvre dans la retape de sa maison, d’être le «trèfle», comme elle dit, du cinéma français: ses films, à l’instar des trois volets de «Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?», sont des succès. «Je suis assez contente d’être encore présente dans les derniers bastions de l’humour», sourit Frédérique.

Notre conversation commence par une visite (virtuelle) de sa maison. Un véritable musée tout en rondeurs et en couleurs, élégamment agencé et inspiré de la merveille architecturale qu’est la Maison Bulle de Pierre Cardin. «J’ai fait les Beaux-Arts, j’ai une passion pour Valentine Schlegel, qui a fait la maison de Jeanne Moreau, que j’avais rencontrée. De même que Pierre Cardin, dont j’étais tombée amoureuse de la maison. Je m’étais toujours dit qu’un jour, quand j’aurai une maison, je ferais bien ça. C’est aussi le confinement qui a rendu cela possible, je ne l’aurais jamais fait si je n’avais pas eu autant de temps». Frédérique Bel a tout retapé, du sculptural escalier central à la petite cuisine. «J’ai acheté une petite maison de grand-mère dans son jus, qui n’avait pas beaucoup bougé depuis 1860. Mon chef de chantier et son équipe se sont barrés pendant le confinement. Seul un ouvrier est resté. Il avait besoin qu’on le guide. Je décidais et lui exécutait. Je dessinais des gabarits et lui les découpait. Au final, ça ressemblait à quelque chose et lui-même était très étonné car il n’avait jamais fait ça auparavant».

Cette maison raconte beaucoup de choses sur l’actrice. Notamment, sa volonté de ne pas faire comme tout le monde. «Je suis pour foncer les coins foncés et éclaircir les coins clairs. La plupart des gens font l’inverse». Sa personnalité s’exprime à travers les couleurs et l’envie profondeur. «Je pratique le feng shui. La première chose qu’on voit quand on ouvre une porte d’entrée, c’est la réputation. La réputation, il faut qu’elle soit de couleur feu, donc rouge, orange ou jaune. J’ai choisi un orange un peu fluo pour cet escalier (voir page suivante, NdlR) qui représente mon ascension». C’est beau, et c’est «rigolo» aussi, commente-t-elle en ouvrant une porte de frigo design qui donne sur... les toilettes, où une figurine de Pacman s’illumine.

À chaque pièce son univers: les couleurs de la terrasse et son escalier, vert et rose, rappellent Hollywood et le prestigieux Beverly Hills Hotel. Quant à la chambre à coucher, on se croirait «au fond de l’eau. Car je suis fan de plongée sous-marine», sourit-elle. Et de minéraux aussi. Frédérique est adepte de la lithothérapie et sa déco est faite de belles pierres. «Quand les gens s’asseyent ici, ils ne peuvent plus bouger parce qu’il y a une très belle énergie apportée par les minéraux. Il ne peut, par exemple, pas y avoir de fantômes ici… Il y en a car c’est une très vieille maison, mais ils ne restent pas». On imagine une tonne de soucis, des prises de tête à répétition pour faire de ce lieu magique ce qu’il est aujourd’hui… Mais l’actrice assure que non. «J’ai un rapport très sain à la décoration, à la rénovation. J’ai vu mes parents acheter des maisons improbables, des espèces de granges un peu dégueulasses qu’ils ont transformées en petits palais. J’ai envie de dire: si moi j’y arrive, vous aussi!».

Le tour du propriétaire terminé, on se dit qu’il nous a donné quelques indices insoupçonnés sur la personnalité de l’actrice. Notamment ce rapport aux minéraux, au feng shui: raconte-t-il une envie de vivre plus sereinement, en dehors des plateaux de tournage? Coup dans l’eau. Car dans la famille de Frédérique Bel, on est spirituelles de mère en fille. «Ma mère est guérisseuse, ma grande sœur est médium, ma petite sœur est chamane et prof de yoga et moi, si je n’étais pas actrice, j’aurais été voyante car je tire très bien les cartes, jusqu’à deux ans. On est une famille très évoluée spirituellement. Je pense qu’on choisit notre famille dans la vie…».

Crédit photo : William Beaucardet

D’habitude, on dit qu’on choisit ses amis mais pas sa famille…

Ce qui m’importe le plus dans la vie, c’est la liberté… et j’ai choisi une vie très libre. Évidemment, si tu es trop libre, il se passe des choses négatives. Dans mon enfance et mon adolescence, j’ai été très livrée à moi-même et du coup j’ai été adulte très tôt. J’ai toujours recherché le même but, spirituel, qui ne pourra pas être sanctionné par la société. Cela me permet d’avoir énormément de recul par rapport à la société qui a des espèces de codes qui vont contre l’humain. Tous les gens s’engouffrent dedans, cochent des cases et on en arrive à des clichés. C’est ce que je ressens en tout cas en écoutant les gens… Dans ma vie, je n’ai jamais eu à me préoccuper de quelqu’un d’autre que de moi-même. J’ai un chien qui a sa poignée de croquettes par jour bien sûr, et j’ai aidé ma sœur et ma nièce. Aujourd’hui, je pourrais habiter n’importe où et faire n’importe quoi... D’ailleurs, mon métier est un peu n’importe quoi! (rires)

Mais est-on réellement libre dans le monde du cinéma?

Déjà, c’est un métier d’intermittence. Vous travaillez puis vous ne travaillez pas pendant des mois et c’est bien pratique. Je ne suis pas quelqu’un qui court après le travail. Je ne dirais pas que je n’ai pas d’ambition mais elle est relativement mesurée: celle de vivre de mon métier. Je remercie le ciel tous les jours, en tant que bouddhiste, d’avoir cette faculté de pouvoir travailler en m’amusant. Et en plus, c’est ma nature. Et je n’ai pas d’ego.

Le jugement, en tant qu’actrice, fait partie du métier. Au Festival de Cannes, la montée des marches est très scrutée. Vous avez très souvent foulé ce tapis rouge et vous vous retrouvez toujours dans le top 10 des plus belles tenues dans le «Vogue» américain…

C’est très bizarre parce que je ne me reconnais pas dans la mentalité française. C’est-à-dire que quand mes copines réussissent, je ne suis pas jalouse; quand quelqu’un a de l’ambition, je ne trouve pas ça négatif,... Cette espèce de pyramide sociale en France, cette échelle de valeurs qu’on fait ressentir, je ne me reconnais pas dedans, au contraire du courage et de la ténacité mis en valeur dans certains pays anglo-saxons. Ce n’est pas étonnant que je sois plébiscitée par les magazines américains! J’aime le total look sur le tapis rouge, comme quand je m’étais habillée en Audrey Hepburn avec une robe jaune et un chapeau rouge de chez Julien Fournié… ça a relancé sa maison de couture! Je sais que Cannes offre une super visibilité.

Mais comment être sûre qu’on ne tombe pas dans le «too much» sur le tapis rouge?

Moi, je raconte une histoire dans mon attitude, dans ce que je porte. Et je suis ma propre styliste, je me maquille, me coiffe, je choisis mes bijoux. C’est une passion. Je le fais sur les longs-métrages aussi. Beaucoup de stylistes ne font d’ailleurs que copier les autres looks… C’est marrant parce que je me souviens d’une robe de chez Paule Ka: j’en avais fais une mini robe blanche, façon inspiration Balmain, avec une coiffure et un look un peu «Blade Runner» pour Deauville. Les photos ont voyagé et Amber Heard a repris la robe – je me demande si ce n’est pas la mienne après que je l’ai rendue… Elle avait les mêmes chaussures, c’était très joli! Huit mois plus tard, la styliste de Virginie Efira lui a fait un look exactement pareil! Parfois, ça peut être presque too much, comme quand je m’étais fait un look à la Xéna la guerrière, avec des écailles sur la robe, il ne manquait plus que le sceptre! Pour le prochain Cannes, j’aurai un look flamenco et mon deuxième look sera spatial avec une tenue de Jean-Claude Jitrois…

Comment choisissez-vous vos couturiers?

J’aime le cuir, les choses moulantes, j’aime les choses un peu folles. Il y a des Maisons où on ne peut plus rentrer, et quel intérêt de porter des marques que tout le monde porte? Je ne veux pas être la énième à m’habiller comme les nanas de téléréalité ou les Kardashian. J’aime bien découvrir des marques, être un peu précurseur. Cela fait partie de mon ADN aussi d’être un peu une «it girl» —même si je n’aime pas trop ce mot—, d’arriver élégante. Un jour, je me suis fait «bijouter» par Avakian, des Libanais qui ne bijoutent aucune Française. Ils m’ont dit que les actrices françaises montaient le tapis trop vite, regardaient par terre et étaient mal coiffées. Les Américaines, elles, montent le tapis pendant 15 minutes… Moi, je me cale donc entre deux Américaines qui prennent le temps… et je prends le temps aussi! (sourire) En France, il y a le truc du «on ne va pas en faire trop». Mais si, il faut en faire trop! Ça fait partie du jeu. Moi, je ne m’excuse de rien du tout. On me dit que j’en fais des caisses… et j’adore ça! J’ai ma personnalité, j’ai cette chance d’avoir un joli corps et je m’habille comme je veux.

Crédit photo : William Beaucardet
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