Rencontre avec Ludivine Sagnier : «Être toujours dans la lumière, ça ne me correspond pas»

Chez elle, c’est le naturel qui domine, cette volonté de ne pas être «trop en vue, trop exposée», malgré une longue filmographie, dont le dernier film (belge) «La Ruche» et le succès international «Lupin».

Ludivine Sagnier, c’est l’anti-cliché de l’actrice, même si, à une époque, elle a été hypersexualisée: «me mettre sur mon 31, les talons, la robe, ça correspond à une contrainte pour moi», sourit-elle aujourd’hui…

Ludivine, dans ce film, «La Ruche», vous partagez l’affiche avec de jeunes comédiennes belges et l’une de vos filles, Bonnie. Vous dites que chez elle, jouer c’est quelque chose d’instinctif. Vous étiez comme ça quand vous avez débuté, très jeune?

Moi, je ne voulais pas du tout être actrice à la base. J’aimais bien jouer mais je n’avais pas du tout l’impression d’apprendre un métier, enfant. Le théâtre, c’était un hobby, une activité après l’école. Je n’avais aucune espèce d’ambition, ce n’était pas du tout un rêve. J’ai commencé à apprendre mon métier bien plus tard.

À quel moment est-ce devenu un rêve?

Je crois peut-être après «Swimming Pool» (en 2003) où, tout à coup, je me suis pris une décharge… J’avais fait «8 femmes» avant avec Ozon, où je jouais un garçon manqué, et le film avait eu un gros succès. Après, François Ozon m’avait écrit ce rôle pour «Swimming Pool» où j’étais ultra-féminine, une composition inverse donc, et je me suis rendu compte à quel point la transformation, le déguisement pouvaient m’apporter du plaisir, et me rendre créative. C’est venu à ce moment-là en fait, pas avant la vingtaine…

Le plaisir du déguisement, du personnage, ça se cultive, ça se nourrit?

J’ai commencé très tôt. J’ai expérimenté plein de choses très vite et donc j’ai eu besoin de prendre du temps pour moi parce que, effectivement, j’avais l’impression que je ne construisais pas de vie à côté. J’ai donc eu besoin de me poser: pour moi, l’ambition de fonder une famille était plus importante que l’ambition d’être actrice. J’ai eu besoin de poser les choses et de construire une vie privée qui soit riche et équilibrée. Mais le plaisir du costume, je l’ai toujours. Quand je joue avec mes enfants, je peux me mettre un costume sur la tête et j’ai toujours un plaisir très enfantin.

Quand vous avez décidé, jeune et au top de votre carrière, de fonder une famille, vous n’avez pas craint que cela mette un coup d’arrêt à votre métier d’actrice?

Je n’étais pas consciente que je pouvais perdre ce métier… J’étais à un âge où j’étais un peu aventurière, je n’avais pas peur de grand-chose. Et c’est après, quand ces choix-là ont fait que j’avais moins de propositions, que je me suis dit: «oula, qu’est-ce que tu as fait?». J’ai fait trois enfants et en comptant les grossesses etc ça a fait beaucoup d’absences et donc d’opportunités professionnelles qui me sont passées à côté…

Mais vous avez un peu plus de 40 ans et une longue filmographie, pas confidentielle du tout, pourtant…

Oui mais c’est parce que j’ai fait tout très jeune et après je me suis posée, j’ai fait moins de choses. Mais en même temps, non, je n’ai pas fait moins de choses car j’ai construit ma famille et ça, c’est très solide. J’ai l’impression que, de nouveau, je peux prendre des risques au cinéma.

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Dans «La Ruche», vous incarnez Alice, une mère de famille souffrant de bipolarité. Jouer ce personnage, au côté de votre propre fille, ça a été perturbant?

Pour moi, c’était super parce que ce n’est pas facile de tourner avec des enfants. Comme ils n’ont pas les outils, la technique, soit on s’entend, soit on s’entend pas. Et ce n’est pas parce que j’ai trois enfants que je suis patiente avec tous les enfants du monde! (sourire) Comme le rôle entre la mère et la fille est très fusionnel, il fallait que je m’entende bien avec la petite fille. Et c’était une sécurité pour moi d’avoir Bonnie en face de moi, pas une fille qui n’a pas les mêmes valeurs que moi. Je savais que Bonnie (dont le père est l’acteur Nicolas Duvauchelle, NdlR) connaissait les plateaux de cinéma comme sa poche car elle y vient depuis qu’elle est petite. Elle crève l’écran et je la trouve très naturelle, spontanée et en même temps elle a été réfléchie, très professionnelle, elle a travaillé. Et quand elle me dit «maman», il n’y a pas de décalage avec la réalité, son amour dans le film était identique à l’amour qu’elle a pour moi.

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On parle d’Omar Sy: vous jouez le rôle de son (ex) petite amie dans «Lupin», le gros succès de Netflix. Ça change quelque chose à votre carrière, le carton international de cette série?

Cela m’a apporté sur le plan international. Je suis sur deux séries américaines — dont une historique où je joue Diane de Poitiers. Il y a Adjani aussi qui va bientôt jouer pour France 2 le rôle de Diane de Poitiers, mais c’est très différent. Je suis passée la voir sur le tournage d’ailleurs, on n’est pas rivales! (sourire) Je viens de finir un film de Ridley Scott aussi. Toutes ces choses-là, je sais que c’est grâce à «Lupin» que je les ai eues. Cela aide d’avoir une aura commerciale. C’est quelque chose que je ne voulais pas forcément admettre avant…

Vous ne vouliez pas faire de films «commerciaux»?

Non, je n’ai jamais été vraiment élitiste mais je me disais que j’étais «indé». Il y avait une volonté de ne pas être trop en vue parce que je ne sais pas si je supporterais d’être toujours dans la lumière, toujours très exposée. Je ne suis pas sûre que ça corresponde à ma personnalité. J’adore jouer mais j’aime bien être derrière la star, juste à côté! (sourire) Il y avait chez moi cette volonté d’être tranquille...

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